Isabelle DUQUESNOY exerce dans le domaine de la restauration d'oeuvres d'art. Ses écrits pour le grand public sont rares mais sont le fruit d'un long travail pour un résultat très érudit, délicatement mis en valeur grâce à un style brillant. Il y a eu les longues "Confessions de Constance Mozart". Puis en 2017, c'est au tour de l'embaumeur de raconter ses souvenirs sous la plume toujours aussi alerte de cette auteure que j'invite vivement à lire.
L'embaumeur ou L'odieuse confession de Victor Renard : Victor est né approximativement vers 1776, sa mère Pâqueline est toujours restée évasive sur les années peut-être pour ne pas voir sa grande beauté s'estomper. Victor était laid, le port de sa tête affecté par un torticolis congénital. Torticolis, voilà bien un mot pour représenter la vie de Victor. Sa vie est une suite interminable de "Victor aurait pu .... mais ...."
Victor aurait pu avoir une jeunesse heureuse mais sa mère n'a jamais su s'y prendre avec lui et ne se contentait pas de le surnommer méchamment Victordu. Grâce à des affaires prospères, Victor aurait pu finir sa vie riche et heureux avec Angélique mais il finira condamné et il en est persuadé, la mort l'attend à la fin de son procès. Lors de son audition qui dure onze jours, Victor raconte ...
Durant toute sa courte vie, Victor a côtoyé la mort. Son père mourut trop tôt. Pour son apprentissage, Pâqueline confia Victor au vieux Mariel Joulia pour qu'il lui enseigne l'embaumement et tous les secrets de ces drogues que l'on insère dans toutes les parties d'un cadavre pour le protéger de la pourriture. Ce roman aurait pu être un livre d'Histoire magistral, austère et ... nauséabond. Mais il y a ce grand plus, sous la plume d'Isabelle Duquesnoy le récit de Victor se bonifie : il est tour à tour attachant et parfois triste, instructif et distrayant, il fait sourire, il fait peur. Les dialogues sont alertes et souvent truculents, les descriptions précises, imagées et vivantes. L'utilisation de mots du vocabulaire de l'époque ajoute de la véracité au récit. Au détour de chaque page ou de chaque chapitre ( tous très courts ), le lecteur ressent tous ces sentiments qui le ravissent et qui l'incitent à relire certains passages tellement ils plaisent alors qu'il est impatient d'en savoir plus.
Se servir de la mort pour s'enrichir. Comment vaincre la mort ? La plongée dans la pensée, dans les pratiques et les interrogations de la fin du 18ème siècle est surprenante. Comment ne pas être stupéfait par l'utilisation de pigments d'origine humaine par les peintres de l'époque ! Les nuances de brun du peintre Martin Drölling restent fameuses et proviendraient de coeurs embaumés des rois de France. Mais ce n'est qu'un épisode du roman hors norme d'Isabelle Duquesnoy.
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