Jean-Paul Mahoux est de nationalité belge, il a suivi des études d'Histoire qui l'ont conduit à se spécialiser sur la Première Guerre mondiale et le Traité de Versailles. Ses connaissances constituent le socle de son deuxième roman.
Paix sur la Guerre : Joachim Feuerberg a été assassiné à Paris le 28 juin 1919, le jour de la signature à Versailles du traité de paix entre l'Allemagne et les Alliés. Il a été poignardé par dix-neuf coups portés par une baïonnette. Feuerberg avait été officier dans l'armée allemande durant la guerre. D'abord perdue dans les méandres des administrations française et allemande, l'affaire est finalement confiée au Deuxième Bureau, le contre-espionnage militaire français qui désigne un enquêteur en la personne du capitaine Marc Rosenfeld. Nous sommes alors en janvier 1921 à Mayence en Allemagne dans la zone occupée par l'armée française. Une photo découverte sur le cadavre permet de lancer l'enquête, Feuerberg y est en compagnie de Sybille Hesselbach et de son frère Günter Hesselbach tué pendant la guerre. Durant un interrogatoire, Sybille remet au capitaine Rosenfeld un carnet, sorte de journal rédigé par Feuerberg qui au moment du meurtre se trouvait à Paris sous une fausse identité.
Ce roman n'est pas un polar comme pourrait le laisser penser les premières pages. L'ambiance polar refait surface seulement dans les dernières pages lors de la résolution de l'énigme. Ce roman de Jean-Paul Mahoux est avant tout un récit historique détaillant la vision allemande de l'Allemagne d'avant, pendant et juste après le premier conflit mondial. Ce regard allemand change de l'habituel et permet de mettre en évidence les mentalités comme avant guerre à l'Est la rigueur prussienne et protestante aimant l'ordre et la discipline et prônant le nationalisme alors que l'ouest est tourné vers le modernisme et le libéralisme et dont l'ambition est surtout économique. Mais unanimement au sein de la population il y a le sentiment d'être isolé, encerclé. A la fin de la guerre tout bascule avec la proclamation d'une République, les grèves, les socialistes, les spartakistes. Les combats sur le front en France sont bien sûr évoqués mais l'auteur insiste plus sur la campagne de Belgique en 1914, épisode que je ne connaissais pas.
Le récit de l'auteur est bien écrit, habilement construit avec de fréquentes incursions dans le passé qui alternent avec les interrogatoires menées par le capitaine Rosenfeld. C'est vivant, émouvant et surtout très bien documenté. Cette richesse est encore plus flagrante dans la partie consacrée aux négociations de Paix qui se sont déroulées Quai d'Orsay à Paris. Pas étonnant que le Traité de Versailles ait conduit le monde vers un autre conflit mondial. L'Allemagne ne participe pas aux négociations mais il lui faut signer sinon la guerre va reprendre. La partie consacrée aux négociations est la plus longue, la plus détaillée mais elles le méritent. Il y a un principe de base : l'Allemagne est responsable de tout. Clémenceau tel le gros Monsieur Monopoly se voit en chef d'orchestre. Il y a soixante neuf délégations mais pas l'Allemagne. La Belgique brisée par quatre ans d'occupation a deux délégués quand le Brésil qui n'a jamais vu un casque à pointe a obtenu trois sièges !
Bravo à l'auteur de partager d'une si belle manière son savoir sur cet épisode qui mérite absolument un approfondissement. Les portraits des personnages fictifs s'intègrent bien dans l'Histoire dans laquelle il insère aussi des souvenirs familiaux. A la fin, la résolution du meurtre de Joachim Feurberg entre en résonance avec les mentalités de l'époque.
Jean-Paul Mahoux : Paix sur la guerre. Publication le 20 novembre 2019, Éditions Academia ( Belgique ).
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