J’aime les romans policiers historiques car c’est un moyen efficace de découvrir l’Histoire. Melvina Mestre réussit habilement à mêler une enquête crédible et à nous faire découvrir le Protectorat français du Maroc mis en place en 1912. Pour faire simple, ce protectorat était censé garantir des prérogatives de politique intérieure au sultan du Maroc, la France restant décideuse en matière diplomatique et assurant protection au territoire marocain.
Casablanca, 1951. Gabrielle Kaplan est détective privée et se voit confier une mission aussi simple que louche. Un riche homme d’affaires, Henri Delmas, lui demande de dérober une enveloppe dans une maison vide, cela l’aidera dans la procédure de séparation d’avec sa femme. Tout se passe bien, l’enveloppe est placée dans une serviette en cuir qui reste à échanger discrètement avec une autre serviette identique. Et les problèmes commencent et les cadavres s’amoncellent.
Melvina Mestre est fidèle aux codes du roman noir. L’enquête d’une privée qui tourne mal, une privée avec une secrétaire qui l’appelle « boss » et qu’elle a du mal à payer, une privée avec des indics bons à tout faire. Une privée qui a ses entrée dans la police auprès d’un commissaire Renaud complaisant et attentionné face à cette détective belle et charmante.
Gabrielle Kaplan ne fait pas dans le hard-boiled. C’est une femme sensible, attentive à sa tenue, elle ne fume pas et son l’odorat délicat lui permet d’identifier les parfums les plus luxueux. Mais la détective est perspicace et tenace. Et c’est tant mieux car son affaire de sacoche en cuir est complexe et dangereuse, Delmas a disparu et elle doit affronter des truands corses et des suiveurs aux allures de barbouzes. La sacoche en cuir attise toutes les convoitises et le divorce de Delmas se transforme en affaire politique très plausible et jalonnée de personnages bien réels.
L’enquête de Gabrielle Kaplan est une véritable course-poursuite. Pas un instant de répit, le suspense est au rendez-vous. Mais plus que tout j’ai été conquis par le regard de Gabrielle sur Casablanca. La ville blanche est un personnage à part entière où les quartiers populaires côtoient des villas luxueuses. Casablanca c’est aussi la tolérance religieuse, un dynamisme économique certain et une architecture moderne pour l’époque. Mais Casablanca a aussi une face sombre avec un luxe ostentatoire et une présence française qui tourne au despotisme avec une administration raciste et corrompue. L’indépendance n'est aucunement une question, le général Juin, Résident général implacable, y veille quitte à employer la force. Cette page d’Histoire, détaillée depuis la Seconde Guerre mondiale, se devait d’être approfondie et Melvina Mestre réussit habilement à l’insérer dans une fiction distrayante et crédible. Il va y avoir une suite en mars prochain et c’est tant mieux.
Melvina MESTRE – Crépuscule à Casablanca. Parution mars 2023, Éditions Points. ISBN 978-2-7578-9991-5 . Exemplaire lu dédicacé le 18 novembre 2023, Salon Noir sur Ormesson.
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