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6 décembre 2023 3 06 /12 /décembre /2023 14:07
Vincent ÉJARQUE  -  Un sang d'encre

Dès les premières pages, j’ai adoré l’ambiance créée par Vincent Ejarque. Il n’y a pas de dates précises seulement quelques indices, des meubles en formica, la série « Dallas », une «Ami 8 ». Le journal L’Équipe est daté du 19 mars, le rugbyman Rives va jouer un match du Tournoi. Cadalen est un journaliste à la dérive, il a été licencié lors d’un changement de direction consécutif à l’élection de Mitterrand. Cadalen est désormais seul face aux évènements et avec des piges pour s’en sortir financièrement. Rien ne va plus pour Cadalen, il retourne dans sa région natale pour assister aux obsèques d’un ami. De leur jeunesse, il ne reste qu’une photo d’un groupe de combat en Kabylie. La guerre a effacée les autres souvenirs.

Une nouvelle ambiance prend forme avec ce coin de France que Cadalen connaît bien et dessiné avec poésie par l’auteur « Entre les fermes isolées et les vergers tirés au cordeau, les hommes prenaient un soin infini à peigner la campagne, de labours en semis ». La région se dessine lentement et habilement à travers le regard de Cadalen. Le lecteur a des indices, de plus en plus précis tout au long du roman, le Ségala, la Découverte, le Tarn mais la ville n’est jamais nommée. Je l’ai identifiée, je la connais.

Le journaliste Cadalen reprend du service dans un journal local « Le courrier du Midi » et le lecteur se retrouve dans une nouvelle ambiance, une totale découverte pour moi. Il flotte un air de nostalgie lorsque Vincent Ejarque parle de la presse écrite, de ses locaux et des métiers de l’époque. Il y a aussi les hommes et les femmes d’une trempe aujourd’hui rare sinon disparue. Le rédac-chef Malvy ( un nom sans doute pas choisi au hasard ) lui propose de couvrir ce qui n’est encore qu’un fait divers local : quatre membres d’une même famille tués, y compris deux enfants. Un carnage. Le père, Jean-Jacques Sabatier, reste introuvable et fait un suspect idéal.

Dans cette ambiance angoissante, l’enquêteur est un journaliste, pas un flic tenu par une institution. C’est mieux pour fouiller, un journaliste est plus libre, plus attentif au contexte. Pour un lecteur, une énigme garantit des instants plaisirs. L’aspect polar se complique lorsque le cadavre de Sabatier est retrouvé. Une mort qui ressemble à une exécution. Le journaliste Cadalen est curieux et perspicace. Et puis les gens se confient plus à un journaliste qu’à un flic. Indirectement l’auteur dresse le portrait d’une époque pas si lointaine et rappelle le contexte social et politique du début des années 1980. Il y a des oublis réparés et des révélations surprenantes. C’est l’aspect Histoire, le lecteur est dans un roman noir passionnant. C’était le temps de la main d’œuvre non qualifiée et bon marché ramenée d’Afrique du Nord pour travailler dans l’industrie automobile, les grèves encadrées par un service d’ordre musclé qui servait indifféremment patrons et politiques pourvu qu’ils soient peu regardant. Il y avait aussi des harkis dans des camps. Les élus et ambitieux de la politique de tout bord profitent de la moindre opportunité pour convaincre les électeurs. Un arabe coupable idéal du meurtre de Sabatier et l’extrême droite monte au front. Et puis la politique c’est aussi l’opportunité de se faire de l’argent, parfois des sommes considérables. Pendant ce temps la France perd sa souveraineté économique, c’est Anne la logeuse de Cadalen qui le dit, elle s’y connait avec sa licence d’économie.

Cadalen fouille, cherche, questionne. Il est bien aidé par Armand, un photographe comme sans doute il n’y en a plus, «pas seulement un as de la photo, un as tout court ». Cadalen le journaliste aurait pu s’opposer au capitaine de Gendarmerie Masclet chargé de l’enquête de la tuerie de la famille Sabatier. Ils vont collaborer, toujours la fraternité d’armes et des souvenirs qui hantent leur vie. Le lien avec « Les spectres d’Alger » se fait ( voir ICI ) comme dans une frise historique.  Du premier roman de Vincent Ejarque, le lecteur retrouve le lieutenant Térien et découvre ce que sont devenus les clandestins de l’OAS. En relisant la fin des « Spectres d’Alger », j’ai noté deux phrases qui relient la Guerre d’Algérie aux recherches de Cadalen «Il redémarra la Simca, décidé à mettre le cap sur Oran, où les navires à destination de l’Espagne étaient plus nombreux et moins chargés. Il rejoindrait Carthagène, idéalement, Alicante sinon »  et   « Il y avait parmi eux des criminels, des séditieux, d’horribles brigands et, peut-être, en cherchant bien, quelques idéalistes ». L’expérience de la clandestinité aide à se fondre dans tout ce qui est illégalité, partout et tout le temps, comme immédiatement après la Seconde Guerre mondiale.

Ce deuxième roman de Vincent Ejarque est un modèle de roman noir, instructif pour comprendre le présent comme l’Histoire sait si bien le faire, passionnant et angoissant comme un polar . Un récit exceptionnel ! Une lecture comme celle-ci ne s’oublie pas, elle marque l’esprit en relatant une réalité violente, parfois sanglante. Les personnages fictifs ajoutent de l’émotion, on les aime ou on les déteste. A cela il convient d’ajouter une parfaite reconstitution du début des années 1980 avec tous ces détails qui font vrais. Un objet, un évènement d’apparence anodin et le charme opère, l’ambiance m’a transporté dans une époque bercée par l’insouciance de ma jeunesse mais finalement beaucoup plus sombre.

Un roman noir à ne pas rater, facile avec une si belle couverture.

Vincent EJARQUE – Un sang d’encre . Parution le 17 octobre 2023, Ramsay Éditions. ISBN 9782812204579 .

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17 juillet 2023 1 17 /07 /juillet /2023 16:18
Jean-Noël BLANC - Polarville. Images de la ville dans le roman policier.

La première édition de cet essai date de 1991. La réédition de mars 2023 bénéficie d’une nouvelle préface rédigée par Dominique Manotti et dont l’interrogation finale interpelle : « La nouveauté fondamentale des années 1980 (…) c’est que le polar est peut-être en train d’abandonner sa propre mythologie et (…) pour la première fois de son histoire, d’admettre que la réalité urbaine n’est pas une monstruosité. Un renouveau du genre serait-il à l’œuvre ? » Le débat est ouvert, des éléments de réponses figurent dans la postface de Jean-Noël Blanc. Je suis tenté de conseiller de lire cette postface à la suite de la préface. Ces deux écrits permettent de mieux cerner le contenu de cet essai et de bien situer ce que l’auteur entend par "images de la ville dans le roman policier". C'est une utile préparation permettant ensuite d’apprécier l’exceptionnel contenu de « Polarville ».

L’essai de Jean-Noël Blanc peut être considéré comme une Histoire du polar avec à l’origine le roman noir américain et deux auteurs incontournables : Raymond Chandler et Dashiell Hammett. Avec eux la Ville est devenue synonyme de crimes, malversations et corruptions avec le détective privé comme justicier chevaleresque. Les temps changent, le privé a été remplacé par un flic désabusé. Le polar est devenu néo-polar et le mal s’est propagé, dans les banlieues et au-delà. Le déroulé de cet essai qui sous certains aspects ressemble à un récit, est chronologique. Il est logique d'insister sur David Goodis avant Didier Daenincks et Arnaldur Indridason.

Il y a en filigrane de l’exposé de l’auteur d'immenses références littéraires. Les idées de lecture fusent dans les renvois en bas de chaque page, des grands classiques mais pas que. En fin d’ouvrage un index des auteurs cités évoque la littérature policière de ce dernier siècle dans toute sa diversité géographique et culturelle. Le plus cité après les indétrônables Chandler et Hammett est Léo Malet ( je vais donc lire un Nestor Burma mais je vais aussi prospecter vers les auteurs scandinaves que je n’ai pas encore lus, je pense par exemple à Mons Kallentoft ).

A ce jour je n’ai pas lu l’intégralité de « Polarville ». L’inestimable intérêt de cet ouvrage est qu’il bénéficie d’un plan détaillé dans lequel chaque chapitre est scindé en de nombreuses parties avec des titres évocateurs et idéalement choisis. Je vous donne un exemple :

Chapitre 3 – Qui est l’occasion d’un inventaire des principaux lieux de polar.

  • Les hauts lieux des bas-fonds
  • La rue déserte
  • Le quartier sinistre
  • Le terrain vague
  • La maison délabrée
  • L’hôtel miteux
  • Le trou à rats
  • L’usine vide et l’entrepôt
  • ……

Peut-être plus qu’à une lecture d’un seul trait, cet ouvrage se prête idéalement à une consultation à la demande aidée en plus par le déroulé chronologique. « Polarville » est un donc livre référence.

Jean-Noël BLANC – Polarville : images de la ville dans le roman policier. Parution le 30 mars 2023 aux Presses Universitaires de Lyon. ISBN 9782729714093. Il s’agit d’une version enrichie de l’édition de 1991.

Merci aux Presses Universitaires de Lyon   

Couverture de l'édition de 1991

Couverture de l'édition de 1991

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11 juillet 2023 2 11 /07 /juillet /2023 10:50
Dominique FORMA  -  Manaus

La parution du nouveau roman de Dominique Forma en juin dernier ( «La faute de la traductrice » ) fait ressurgir dans ma mémoire « Manaus » paru fin 2020. J’ai lu ce livre à sa sortie mais sans le chroniquer. Je viens donc de le relire pour mieux vous en parler. C'est un court roman noir, deux cents pages ne se refusent pas d’autant plus que j’en garde un excellent souvenir.

Octobre 1964, le voyage officiel du général de Gaulle en Argentine offre une couverture idéale pour François, un agent du service Action du SDECE. Il a une mission à accomplir. Au Paraguay. Il raconte …

François est militaire et il a rejoint le monde de l’espionnage. C’est un barbouze. Il ne se pose pas de question. Accomplir sa mission, il n’y a que cela qui importe même s’il s’agit de tuer de sang-froid. Un militaire obéit et agit. Après le Paraguay il y a une autre mission qui l’attend. Les ordres fusent, sa nouvelle destination est le Brésil. Manaus.

« Manaus » de Dominique Forma est un court roman, une novella. Le cadre d’une novelle est contraint, il ne faut pas se disperser. Aller à l’essentiel. La personnalité de François se prête bien à l’exercice. Les ordres, la mission, ne pas se poser de question. Dominique Forma n’a pas son pareil pour trouver le mot juste, tranchant et efficace comme François au Paraguay.

En mars 1964, le coup d’état militaire au Brésil a accordé à Manaus le statut de zone franche. Manaus va devenir un paradis pour l’argent et pas que l’argent propre. C’est aussi un paradis pour ceux qui ont choisi la clandestinité, les nazis, les anciens de l’OAS, les trafiquants que l’argent attire. A Manaus, François est rattrapé par son passé. Un passé de soldat, en Indochine et en Algérie. Il n’a pas toujours été un militaire solitaire. Il a aussi connu la fraternité d’armes.

Dans la torpeur équatoriale le style de Dominique Forma évolue, l’oppression de la chaleur et de l’humidité deviennent palpables. François s’interroge. Il y a la mission mais d’autres mots envahissent son esprit : trahison, obéissance, manipulation, devoir, respect.

Ce roman est un condensé de sensations, le suspense dans l’action, la surprise de rencontres inattendues, les incertitudes qui causent des attentes interminables, le poids de l’Histoire. Dominique Forma tel un magicien des mots excelle dans ce récit aux multiples facettes.

Dominique FORMA – Manaus. Parution en novembre 2020, Éditions La Manufacture de livres. ISBN 9782358877046.

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2 juin 2023 5 02 /06 /juin /2023 15:53
Thomas CANTALOUBE   -   Mai 67

Une grande manifestation sociale a eu lieu le 26 mai 1967 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Elle prolongeait une grève des manœuvres du bâtiment. Leur revendication était simple, augmentation de leurs salaires de misère bien inférieur à ceux en vigueur en métropole alors que sur l’île le coût de la vie est très supérieur. Ces gens réunis sur la place de la Victoire subissent également depuis des siècles racisme et discrimination. Pour le préfet Delbotte tout est dirigé par des agitateurs communistes aux idées anticolonialistes et indépendantistes venues de Cuba. Comme durant la sombre période du préfet Papon à Paris, le calme est rétabli par la violence et la manifestation se termine dans le sang avec des tirs d’armes à feu contre les manifestants. Le GONG un petit parti politique local fait un bouc émissaire idéal.

Luc Blanchard en mai 67 vit en Guadeloupe avec sa compagne Lucille et leur petite fille Célanie. Il est pigiste d’un modeste quotidien local France-Antilles. C’est un peu le hasard, un peu la solidarité et un peu la nécessité de soigner les blessés qui ont emmené Lucille et Luc sur la place de la Victoire le 26 mai. Ce jour-là des coups de feu ont été tirés sur les manifestants, Luc en est sûr. Il y a eu des morts parmi les manifestants. Lucille a été arrêtée par la police. Fin mai 67, Antoine Lucchesi, à la barre d’un ketch appartenant à un riche homme d’affaire,  accoste dans la rade de Pointe-à-Pitre et Sirius Volkstrom, en mission pour la CIA anti-castriste, atterrit à l’aéroport de Pointe-à-Pitre Le Raizet.

Quel plaisir de retrouver les écrits de Thomas Cantaloube qui sait fouiller dans l’Histoire pour y dénicher les évènements cachés par une 5ème République qui n’en finit pas avec la censure et la répression. Et puis l’auteur n’a pas son pareil pour raconter et mettre en scène habilement trois personnages que tout oppose. C’est justement ce grand écart qui permet de créer les situations permettant de visionner toutes les facettes d’un évènements, d’argumenter et ainsi  mieux  dénoncer les scandales de cette époque où les gouvernants ne juraient que par des services parallèles pour contourner la loi et une police violente pour assoir leur pouvoir.

Retour à Paris pour le trio et pour les hauts fonctionnaires qui ont su sauver l’ordre. Retour aux origines de ce qui est le dernier volet d’une trilogie. Luc veut se rapprocher de Lucille qui est emprisonnée dans l’attente interminable d’une comparution devant la Cour de sûreté de l’Etat. Il est peut-être encore temps de l’innocenter mais le pouvoir n’est pas prêt à admettre ce qui s’est réellement passé le 26 mai en Guadeloupe. Sirius a retrouvé la trace de celui dont il veut se venger. Antoine Lucchesi avant de tout abandonner veut honorer une ultime dette d’honneur avec le sympathique Freddie et partager le magot qu’ils ont gagné en Guadeloupe. Le temps passe, nous sommes en mai 1968. Le lecteur croise Jacques Chirac, le député Claude Estier et l’incontournable Jacques Foccart, avant d’être entrainé dans un final maîtrisé à la perfection par Thomas Cantaloube dans un habile mélange de roman noir et de polar historique. Ces deux genres savent si bien associer réalité historique, révélations de politiques cachées et nostalgie naissante de voir trois personnages de fiction se séparer.

Que cette trilogie est bien avec ses belles couvertures très évocatrices !

Autres titres de cette trilogie : « Requiem pour une République » voir ICI  -  « Frakas » voir ICI 

Thomas CANTALOUBE – Mai 67 . Parution le 11 mai 2023 dans la Série Noire des Éditions Gallimard. ISBN 9782072985140.

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30 mars 2023 4 30 /03 /mars /2023 15:27
Olivier BARDE-CABUÇON  -  "Hollywood s'en va en guerre"

Une affaire de chantage, c’est un travail pour un privé. La victime n’a pas encore été rançonnée mais compte tenu de sa célébrité un risque de scandale existe car on lui a volé des photos osées. Nous sommes en septembre 1941, la victime s’appelle Lala Lass, c’est une actrice les plus en vue de Hollywood. Le privé est l’enquêtrice Vicky Mallone.

Il y a du Raymond Chandler dans ce roman génial ! Avec un nom comme Vicky Mallone il fallait s’y attendre et comme pendant l’âge d’or du roman noir américain l’enquêtrice d’Olivier Barde-Cabuçon n’est pas épargnée avec une affaire qui va devenir un véritable imbroglio de plus en plus complexe chaque fois que Vicky croise un cadavre. Des rebondissements en cascade, presqu’autant de surprises que de chapitres ( 41 au total ), c’est un des codes des romans-feuilletons du temps des pulp magazines que l’auteur maîtrise à la perfection. J’ai été happé par cette fiction un peu rocambolesque très bien intégrée dans l’Histoire du cinéma hollywoodien. Car c’est bien là que se situe le principal intérêt de ce roman qui fourmille de portraits sans concession de stars du grand écran. Je n’en citerais qu’un, Errol Flynn qui bien sûr tente de séduire Vicky, l’astre du jour dit-il en s’adressant à elle. Vicky représente à elle seule toutes les résistances des femmes de cette époque face au sexisme et au machisme. Vicky c’est la liberté et l’indépendance dans la vie comme en amour mais avec des moments de spleen. C’est aussi une redoutable enquêtrice avec ses indics bien renseignés, sa perspicacité, son holster et son regard acéré, lucide et rempli d’humour. Vicky incorruptible comme Philip Marlowe , Vicky une justicière à la Sam Spade qui délaisse volontiers le whisky pour les cocktails mais en abuse tout autant.

Vicky Mallone est entraînée dans une affaire qui aurait pu la dépasser mais elle s’en sort avec brio ( il est vrai un peu aidée par un flic multicarte énigmatique ). L’époque se prête bien aux conspirations. En 1941 ( un peu avant la sortie du film « Le Faucon maltais » avec Humphrey Bogart ) l’Europe est en guerre contre l’Allemagne nazie. Aux USA la pression isolationniste est forte pour ne pas entrer dans ce conflit éloigné. Il y a de tout en Amérique, pas seulement des évangélistes puritains mais aussi des antisémites et des néonazis, le mouvement America First ne veut pas d’une guerre et son opinion compte, le héros Charles Lindberg l’a même rejoint. Le président Roosevelt veut préparer l’opinion publique à une entrée en guerre. Pour ce faire le studio Lindqvist va tourner un film avec la célèbre actrice Lala Lass en tête d’affiche. Son titre ? « Cherchez le nazi » . Pourquoi pas « Balance ton nazi » estime Vicky qui a toujours le mot pour rire. Je ne résiste pas au plaisir d’une dernière citation de la belle détective alors que sa voiture a beaucoup souffert lors d’une course-poursuite : « Forcément, elle va marcher beaucoup moins bien ».

Olivier Barde-Cabuçon a accompli un véritable travail d’historien pour dresser le portrait de la société américaine à la veille d’entrer dans ce conflit qui deviendra bien vite la Seconde guerre mondiale. Son récit fourmille de références hollywoodiennes avec  un vocabulaire cinématographique du plus bel effet. Les chapitres 6 et 7 vont plaire à tous les passionnés d’Histoire du cinéma mais en dehors de ce focus, le lecteur attentif découvre tout au long de ce formidable roman de multiples anecdotes révélées à bon escient. « Hollywood s’en va en guerre » est une lecture très instructive et particulièrement distrayante.

Olivier BARDE-CABUÇON – Hollywood s’en va en guerre. Parution le 9 mars 2023 dans la collection Série Noire des Éditions Gallimard. ISBN 9782072960925 .

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28 février 2023 2 28 /02 /février /2023 16:28
Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX – Aux origines de la pop culture

J’adore découvrir l’Histoire des livres. En 2013 j’avais été enthousiasmé par « Une histoire de l’édition à l’époque contemporaine ( XIXème – XXème siècle ) » d’Elisabeth PARINET ( voir ICI ). Je n’ai pas été déçu par le focus fait par Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX et dont le titre complet est "Aux origines de la pop culture - Le Fleuve Noir et les Presses de la Cité au coeur du transmédia à la française, 1945 - 1990". Je connaissais l’érudition de Matthieu LETOURNEUX à travers sa page internet consacrée au roman d’aventures ( voir ICI ), Avec Loïc ARTIAGA, il raconte une histoire formidable dans laquelle j’ai retrouvé tout ce qui me fait aimer lire.

Il est bien sûr question de littérature populaire ( ou littérature de genre ) qui a connu un âge d’or dans l’entre-deux-guerres impulsé par les romans noirs américains. La Seconde Guerre mondiale va tout bousculer et sera suivie d’une dynamique nouvelle de l’édition française façonnée par d’efficaces hommes d’affaires. Parmi ceux-ci il y a Sven Nielsen ( 1901 – 1976 ) fondateur des Presses de la Cité en 1944. En 1949 Armand de Caro, Guy Krill et Robert Bonhomme fondent le Fleuve Noir. Leur démarche est simple et efficace, attirer les auteurs francophones ou non, inonder le marché avec des tirages imposants et multiplier les points de vente indépendants des Messageries officielles. Ils attirent le lecteur grâce à des couvertures alléchantes, des collections aux noms évocateurs et des parutions fréquentes et régulières. Le livre devient un objet de consommation courante et n'échappe pas une société des Trente Glorieuses adepte du consumérisme . Ces deux maisons d’édition fusionneront en 1963.

Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX insistent sur les stratégies commerciales des Presses de la Cité et du Fleuve Noir. Ils développent également les relations entretenues avec les auteurs. Les figures de proue, Frédéric Dard ( Fleuve ) et Georges Simenon ( Presses de la Cité) représentatifs du polar sont progressivement rejointes par des noms qui vont passionner un plus large public. Après le second conflit mondial, cette nouvelle littérature s’inspire de l’actualité dans des nouveaux genres, Guerre froide pour l’espionnage, progrès technologique et conquête de l’espace pour l’anticipation, Tous les publics sont touchés par cette production de masse qui a besoin de tous les publics pour vivre économiquement. Quel plaisir de voir évoquer des auteurs distrayants ( Paul Kenny, Claude Rank, Jean Bruce, G.-J. Arnaud … et il y en a tant d’autres ) et des héros inoubliables ( OSS 117, Coplan, Vic St Val, Mr Suzuki … et il y en a tant d’autres ).

Le livre de Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX est richement illustré ( photos, copies de correspondances et de documents administratifs, reproductions de couvertures … ) pas seulement pour faire joli, les légendes sont habilement rédigées et constituent des compléments d’informations détaillées et utiles. Je ne résiste pas à l’envi d’évoquer les dessins de Michel Gourdon qui ont largement contribué à attirer l’œil des lecteurs sur les couvertures de multiples romans chez Fleuve.

Les temps changent, la fin du récit de Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX raconte les nouvelles mutations qui ont modifié au tournant des années 1990 le visage de l’édition. Il reste que l’âge d’or de l’édition populaire de l’après-guerre a profondément influencé non seulement le monde de l'édition mais aussi d’autres médias.

Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX – "Aux origines de la pop culture. Le Fleuve noir et les Presses de la Cité au cœur du transmédia à la française, 1945 – 1990". Parution le 3 novembre 2022, Éditions La Découverte. ISBN  9782348074738.
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14 septembre 2022 3 14 /09 /septembre /2022 17:37
Patrick PÉCHEROT - "Pour tout bagage"

Souvenirs, souvenirs
Je vous retrouve en mon cœur
Et vous faites refleurir
Tous mes rêves de bonheur

Ils étaient complices. Il y avait Antoine, Arthur, Paul, Yvon et une fille Sylvie et Chloé sa petite sœur. Arthur se souvient, il raconte. Ce sont des photos qui ravivent les souvenirs d’Arthur et il nous emmène dans les années 1970. Quand on est jeune adulte, c’est le cœur qui parle. Les rêves deviennent facilement espoir et très vite la certitude de pouvoir tout réaliser s’installe. C’est ce qui anime Arthur et ses copains : le fascisme ne passera pas !

Patrick Pécherot installe une fiction habitée par des gens ordinaires comme il sait si bien le faire. J’ai été aussitôt conquis par les portraits profondément humains de ces mousquetaires comme dit Arthur. Il y a eu un drame et on a envie d’en savoir plus. Pauvre Edmond. Et puis il y a ce long récit sur l’enlèvement bien réel à Paris du banquier espagnol Angel Balthazar Suarez en mai 1974. Le GARI est entré en lutte ouverte contre le vieux dictateur Franco. C’est du sérieux, les commissaires Ottavioli du quai des Orfèvres et Broussard entrent en scène. Le lecteur est transporté dans un polar et dans l’Histoire.

L’auteur est un formidable conteur qui sait à une fiction ou à un récit historique ajouter les détails du quotidien qui font vrais. Années 1970, ça me parle et je retrouve ces petits riens enfouis dans ma mémoire sous une vie d’adulte. Une chanson ( de Léo Ferré bien sûr ), une marque de boisson, les boyards ( c’était dégueu ), les mots de l’époque aujourd’hui désuets. Ces petites choses, c’est un peu l’Histoire et j’y étais. Je suis ému par tout ce que fait revivre Patrick Pécherot. Son style est direct, il prend le lecteur à témoin, l’invite amicalement, le tutoie. Il sait aussi mettre en valeur les changements plus profonds, comme dans les banlieues. Son regard sur Mantes est lucide et touchant.

De nos jours ( Arthur croise des gilets jaunes ) Edmond se rappelle à la mémoire des mousquetaires. Il est pourtant bien mort le pauvre mais quelqu’un en parle sur le net, quarante-cinq ans après. L’heure est grave, alors Arthur part retrouver ses compères, enfin ceux que la mort a épargnés. Le temps a fait voler en éclats leur complicité, ils sont devenus avocat, magnat de la presse, zadiste, brocanteur. Patrick Pécherot  entraine le lecteur vers une fin maitrisée à la perfection.

Patrick PÉCHEROT – Pour tout bagage. Parution le 25 août 2022, Éditions Gallimard, collection La Noire. ISBN 9782072969720 .

Bibliographie de Patrick Pécherot  

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8 septembre 2022 4 08 /09 /septembre /2022 16:05
Gilles MARCHAND  -  "Le soldat désaccordé"

Un roman lumineux sur un sujet tragique !

Le narrateur durant toutes les années 1920 et une bonne partie des années 30 a été enquêteur. La Première Guerre mondiale une fois finie a laissé son lot d’énigmes et de passés à reconstituer. Retrouver un proche qui n’est pas rentré à l’armistice, peut-être a-t-il tout oublié dans les combats jusqu’à son nom et l’existence de ses proches ? Acquérir la certitude qu’un disparu est mort pour que sa veuve puisse toucher une pension, tant de cadavres ont disparu sous les déluges de bombes. Il y a aussi les communes qui recherchent les noms à inscrire sur leur monument aux morts. Il faut bien sûr réhabiliter l’honneur des fusillés pour l’exemple. Le travail ne manque pas pour ce survivant de la guerre. Il n’a jamais quitté les zones de combat, même après avoir été amputé d’une main il est resté sur le front, pour aider. Jamais il n’a profité d’une permission pour rendre visite à Anna qu’il aime et qui l’aime. La der des ders est finie, pas complètement pour celui qui enquête. La guerre est en lui jusqu’à le forcer à se priver du moindre bonheur.

C’est en 1925 qu’on lui demande de retrouver Émile Joplain. Sa mère est sans nouvelles depuis 1916, il était alors à Verdun. Il se met aussitôt au travail, des registres infinis à éplucher, des lettres dans toutes les directions, de multiples déplacements. Il n’hésite pas à quitter son foyer, pour aider. Il va peu-à-peu reconstituer la vie d’Emile, depuis ses quatorze ans. Le même âge que Lucie. Tout a commencé en Allemagne et en Alsace-Lorraine ( qui à l’époque était allemande ) un des berceaux du conflit qui va embraser le monde et séparer les êtres qui s’aiment. Le début de la vie commune d’Émile et de Lucie est attendrissant, bien vite interrompue par la marche de l’Histoire et un conflit qui va ensanglanter le monde entier.

Gilles Marchand raconte tout d’abord des faits simples avec des mots simples et vrais, émouvants. Puis la tragédie et l’horreur s’installent et l’auteur raconte la guerre, les horreurs, la souffrance, la folie, la mort. Les hommes ont perdu toute humanité. La littérature ne manque pas de récits de guerre. Gilles Marchand le fait d’une manière vraie, éprouvante et fait preuve d’une empathie incroyable pour ceux qui souffrent. La qualité d’écriture y est pour beaucoup. Autant que la mort, ce sont les traumatismes psychiques jusqu’à la folie qui sont douloureux pour le lecteur.

Le jeu de pistes proposé par l’auteur tient en haleine. Lorsque la trace d’Émile se perd, à Vimy, notre enquêteur part à la recherche de Lucie dont personne n’a de nouvelles depuis des années. Il suit le même chemin, avec quinze ans de retard, que celle qui est partie retrouver son amoureux. Au cœur des combats, inlassablement elle demandait si quelqu’un connaissait « un soldat qui s’appelait Joplain, qu’était poète et beau comme un prince ». La fin de l’enquête provoque des sentiments de gâchis et ne laisse pas insensible, tout comme la démesure de la violence qui a détruit les homes pendant bien plus que les quatre années de combat.

Gilles MARCHAND – Le soldat désaccordé. Parution le 19 août 2022, Éditions Aux forges de Vulcain. ISBN 978-2-373-05648-8 . 

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6 août 2022 6 06 /08 /août /2022 17:40
Yan LESPOUX : " Presqu'îles"

Yan Lespoux parle du Médoc, pas du vignoble mais du massif forestier qui a remplacé les marais sous l’impulsion de Napoléon III . Yan Lespoux parle des gens qui y vivent, des gens simples qui ont une histoire parfois proche de légendes racontées par des grands parents qui les avaient eux-mêmes appris de leurs parents. Cette région est bien plus qu’un lieu estival pour vacanciers qui ne prennent pas le temps de regarder autre chose que la plage et les vagues de l’océan. Dans cette campagne les parisiens, les toulousains ou le bordelais, on s’en moque volontiers.

33 nouvelles ( comme le numéro du département de ce coin de France ) qui parlent de chasse, de pêche et de coins à champignons gardés jalousement. 33 nouvelles avec un titre évocateur comme « Le concert fantôme » ou « Jamais mieux que chez soi ». Des histoires qui font rire ( « Le voyage de Jésus » ) certaines sont émouvantes ( « Le couteau » ), d’autres sont tragiques ( « Le premier noyé de la saison » ). Yan Lespoux parle de la joie de vivre mais aussi de la mort. Ce sont des souvenirs nostalgiques du temps où les ados partageaient leur été entre petits boulots liés au tourisme, drague, Kro, joints et musique sur cassettes. Moins futile, j’ai découvert l’Histoire du Cantabria.

J’ai adoré la manière dont Yan Lespoux parle d’une nature calme et sauvage à la fois. L’eau y est partout, marais et brume. Ce qui me parle le plus, des troncs noirs, des têtes de pin.

La nouvelle littéraire exige de la part de son auteur concision et précision dans le vocabulaire. Yan Lespoux y ajoute de l’humour, un peu de tragédie, des paysages et des gens ordinaires. Et comme il est un remarquable conteur, ses récits et sans doute ses souvenirs deviennent de magnifiques histoires. Hervé Le Corre dans sa préface parle le mieux de ce recueil et ne tarit pas d’éloges pour Yan Lespoux qu’il qualifie d’écrivain ( le mot est fort ) et il n’hésite pas à évoquer Chris Offutt et Maupassant dans sa présentation.

En lisant ce recueil, je me suis rappelé « La folle histoire de Félix Arnaudin » et la belle biographie écrite par Marc Large ( voir ICI ).

Yan LESPOUX – Presqu’îles . Parution janvier 2021, Éditions Agullo, collection Agullo Court. ISBN  979-10-95718-90-1  

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22 décembre 2019 7 22 /12 /décembre /2019 05:59
Le polar pour les nuls

"... pour les nuls" est une marque déposée et en quelque sorte une appellation qui attire d'emblée l'attention des curieux. Lecteur assidu de littérature policière ( le polar, c'est de la littérature et il convient de la respecter ! ) j'ai voulu tester mes connaissances et me rendre compte, Marie-Caroline Aubert et Natalie Beunat nous disent-elles tout sur le polar ?

Il est réconfortant d'être à l'aise avec quelques piliers du polar, que ce soit un héros ( Sherlock Holmes bien sûr mais pas que ), un auteur ( Gaston Leroux, Simenon, il n'y a pas que les anglo-saxons ), une époque ( le XIXème siècle est le siècle fondateur du roman policier ) ou un genre ( polar historique, roman de détection ... ) car les auteures proposent une vision vraiment exhaustive de la littérature policière, de ses origines jusqu'à nos jours ( le thriller n'est pas oublié ) et sur tous les continents. Il y en a pour tous les goûts et avec chaque évocation figurent des anecdotes, des citations et des références cinématographiques ( adaptations ) utiles. On y parle même de séries télé. Les conseils de lecture sont nombreux et pour en avoir lu un assez grand nombre, les néophytes peuvent avoir confiance car les choix des auteures sont très pertinents.

Mais au final, rien de neuf ? Et bien si ! Un pan entier est consacré à la genèse du roman noir nord américain, les dime novels, la fiction hard-boiled, les pulps. J'étais un nul dans ce registre. Des explications claires et bien ordonnées m'ont donné envi de lire Dashiell Hammett, Raymond Chandler ou William Irish, de faire connaissance avec Philip Marlowe et de déambuler dans le 87ème District d'Ed McBain. C'est de cette période et de ce genre que datent les plus fabuleuses adaptations au cinéma dont les titres font rêver ( La mariée était en noir, Fenêtre sur cour, Le faucon maltais ... ) et dont le souvenir d'acteurs comme Humphrey Bogart et Lauren Bacall laisse pantois !

Pour les fêtes, offrez ce livre ou faites qu'on vous l'offre, c'est le genre de cadeau qui dure. On le lit, on le relit, on le consulte !

 

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