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30 mai 2020 6 30 /05 /mai /2020 15:59
Romain  SLOCOMBE  ( suite )

Sadorski et l'ange du péché : suite de la fresque historique consacrée à la seconde Guerre mondiale et à l'occupation, avec Léon Sadorski en guide ... sinistre ( voir deuxième tome ICI ).

C'est en consultant la bibliographie à la fin de ce roman que j'ai pu mesurer l'étendue du travail d'historien de Romain Slocombe, les multiples documents administratifs et références à des correspondances, récits et journaux personnels. Cette documentation foisonnante permet au lecteur de mieux s'approprier ce troisième tome ( 730 pages mais je ne me suit pas ennuyé une seule seconde ! ) de l'Histoire de Paris en mars et avril 1943 pendant laquelle Sadorski ( Inspecteur principal adjoint à la 3ème section de la direction générale des Renseignements généraux et des Jeux et chef du Rayon juif ) louvoie à la frontière entre le bien et mal.

Dans l'appartement où vivait la famille Odwak , Sadorski a trouvé le journal intime de Julie. Il le lit. Julie vit recluse avec la famille Sadorski, un peu comme Anne Franck. Les autorités allemandes sont bien sûr conscientes que toute la famille Odwak n'a pas été raflée. Mais il y a la protection de Léon Sadorski. Protéger une jeune juive et se comporter comme un salop, toujours prêt à brandir sa carte de réquisition pour accabler une femme, jeune de préférence, le plus souvent juive. Menacer une vendeuse de la Samaritaine, enquêter sur un possible trafic d'or, tout est bon pour profiter. Mais il veut aussi protéger Julie. Julie Odwak occupe une place centrale dans ce roman à travers la lecture de son journal intime, une vision spontanée et intime de la tragédie vécue par les juifs.

Ce roman est le roman du Paris des privations, de la peur, de la violence. Le Paris de ceux qui collaborent anonymement par la délation et de ceux qui s'enrichissent avec le marché noir, le Paris de ceux pour qui collaborer est une aubaine. Paris avec ses affiches de propagande, les soldats allemands en permission, le couvre-feu et les rafles. Il n'y a pas eu que celle du Véld'Hiv, elles se poursuivent, il faut toujours envoyer plus de juifs vers l'Europe de l'Est.

Et puis soudain un attentat de résistants, un bombardement des alliés. Sur tous les fronts, l'armée allemande vacille. Que faire pour ne pas être inquiété à la fin de la guerre ? Que faire pour sauver sa peau pendant l'occupation ? Sadorski a choisi, sans être pro-nazi, il veut de l'ordre quitte à l'imposer par la force et la peur. Il est nationaliste et anticommuniste ( le mot n'est pas assez fort pour lui, il lui préfère antibolcheviste ). Il est aussi raciste et antisémite. Mais il veut sauver Julie.

Sadorski adore fouiner, il y a toujours une bonne affaire à découvrir ou profiter d'une belle femme. Les lumières des plateaux de cinéma l'attirent. Cette facette du Paris occupé est à la fois fascinante et incongrue : le cinéma français des années noires, les studios de la Villette, Radio-Cinéma. Sadorski croise Pierre Fresney dans les couloirs,  Robert Bresson tourne son premier film "Les Anges du péché". Renée Faure est de la partie. 

Romain Slocombe continue d'explorer les années noires de l'occupation à Paris. Je ne m'en lasse pas. Il fallait oser mettre en scène un personnage comme Léon Sadorski. Mais c'est à ce prix que la reconstitution minutieuse de l'époque est réussie. La fin du roman est ouverte et laisse présager une suite. Je l'espère vivement !

Bibliographie de l'auteur  ICI

 

Romain  SLOCOMBE  ( suite )
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14 mai 2020 4 14 /05 /mai /2020 16:17
Philip  KERR  ( suite )

Prague fatale : septembre 1941, la population berlinoise commence à souffrir des privations conséquences de la guerre totale. Bernie Gunther n'y échappe pas et en plus il doit vivre avec les souvenirs des massacres de masse perpétrés par les SS et auxquels il a assisté en Ukraine ( le titre "Vert-de-Gris" permet de situer cet épisode, voir ICI ). Il a repris son service à la Criminelle, le crime ne s'arrête jamais mais les enquêtes ne sont pas la priorité des autorités. Qui peut bien être intéressé par un cheminot hollandais poignardé ? Bernie n'aime pas un travail inachevé, alors il s'enfonce dans des pensées morbides qui le hantent en permanence.

Comment casser cette routine malfaisante ? Bernie a croisé tant de dignitaires nazis ces dernières années qu'il n'est pas étonnant de le voir appelé par le général Reinhard Heydrich qui vient d'être nommé Reichsprotektor de Bohême-Moravie. Heydrich est aussi à la tête du Reichssicherheitshauptamt ( RSHA ) dont fait partie la Kripo, il a peut-être besoin d'un détective ?

Est-il besoin de venter les qualités de conteur de Philip Kerr ? Dans ses récits tout s'enchaîne logiquement, l'Histoire et le quotidien se mêlent sous le regard lucide et pince-sans-rire de Bernie Gunther. Plus que l'action, dans ce roman l'auteur a choisi de dresser les portraits de quelques dignitaires nazis réunis à Prague.

Heydrich réside près de Prague préférant à son prestigieux château une plus modeste demeure à Panenské Břežany. En ce mois d'octobre 1941, Heydrich a entrepris de soumettre le protectorat de Bohême-Moravie. Il y fait régner la terreur mais la résistance reste active et il craint pour sa sécurité. Bernie Gunther va devenir un garde du corps un peu particulier. Des personnels zélés pour le protéger, Heydrich n'en manque pas à ses côtés mais il lui manque quelqu'un d'utilement soupçonneux. 

Le regard acéré et impertinent de Bernie va se poser principalement sur Reinhard Heydrich, le Boucher de Hitler. Il est présenté au travail, maillon implacable et froid du régime nazi, organisateur de l'extermination des Juifs, organisateur habile du RSHA. Heydrich fut aussi un mari et un père de famille. Il pratiquait l'escrime, jouait de la musique. Il était aussi au coeur des rivalités et des jalousies entre dirigeants nazis. Le génie de Philip Kerr est de placer Bernie Gunther au centre de cet univers crépusculaire. Lorsqu'un aide de camp de Heydrich est assassiné, Bernie redevient Kommissar et se trouve confronté à une enquête que n'aurait pas reniée Agatha Christie. Un cadavre tué par balles retrouvé dans une chambre verrouillée de l'intérieur et une poignée de suspects, tous dirigeants nazis. Jusqu'au bout, la personnalité de Heydrich est au détour de chaque avancée de l'enquête de Bernie Gunther.

Le Reichsprotektor Reinhard Heydrich se sentait menacé, autant par des collaborateurs ambitieux ( il avait échappé à une tentative d'empoisonnement ) que par les résistants tchèques. Malgré cela il se déplaçait dans une Mercedes décapotable. Cela lui a été fatal. 

Bibliographie de Philip Kerr ICI  

 

Philip  KERR  ( suite )
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28 avril 2020 2 28 /04 /avril /2020 05:18

 

J'ai toujours été enthousiasmé par les romans d'Arturo Pérez-Reverte et ses récits déroutants, très imaginatifs et encrés dans l'Histoire :

- Club Dumas ou l'ombre de Richelieu

- Le tableau du Maître flamand 

Ces deux romans ont été pour moi des coups de coeur, j'avais donc très envie de faire connaissance avec Falcó. C'est le premier titre d'une trilogie déjà parue en Espagne et en cours de publication en France par les Éditions du Seuil :

- Falcó  ( octobre 2018 )

- Eva  ( octobre 2019 )

 

Arturo  PÉREZ - REVERTE

 

Falcó  : ce récit d'aventure et d'espionnage se déroule au début de la Guerre civile d'Espagne, en novembre 1936. J'ai pris conscience que je n'avais même pas une vue d'ensemble de ce conflit, seul Guernica me venait à l'esprit. Ce roman permet de bien situer les forces en présence ( en fait une multitude de factions ) et de découvrir ses origines politiques avec de nombreuses ingérences internationales.

Lorenzo Falcó, 37 ans,  est un mercenaire au passé sulfureux dans les renseignements et les trafics d'armes.  Durant l'automne 1936 il est à Salamanque, il agit pour le compte de l'Amiral chef du Service National du Renseignement et des Opérations. L'Amiral et Falcó sont de vieilles connaissances et il est normal qu'ils se retrouvent pour servir le Caudillo. L'Amiral lui confit la mission de faire évader de la prison d'Alicante José Antonio Primo de Rivera fondateur de la Phalange espagnole et fils du général Miguel Primo de Rivera. A Salamanque Falcó vit dans le luxe, passant son temps à séduire les femmes. Il aime séduire et la séduction est pour lui une sorte de passe d'armes.

En 1936 le Général Franco réside à Salamanque avec ses principaux services et ministères. Salamanque est aussi un véritable nid d'espions, avec en premier ceux de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste. Républicains et nationaux s'affrontent, Madrid est sur le point de tomber aux mains des franquistes. Le reste de l'Espagne est aux mains de milices fascistes et ultra-catholiques d'un côté et communistes et anarchiques de l'autre. Partout la terreur règne. Mais cette guerre ne concerne pas Falcó, il a seulement un travail à faire et il veut le faire bien ! 

Alicante est en zone rouge. Falcó entre dans la clandestinité, la vie rustique ne l'effraie pas, il n'a pas peur de l'action. C'est un aventurier, il sait se protéger. Il sait tuer, méthodiquement et sans remords. Sa mission est dangereuse et ses alliés sur place ne sont peut-être pas fiables.

Arturo Perez - Reverte offre au lecteur un formidable récit, mélange d'Histoire et d'action. C'est un conteur exceptionnel au style concis et précis. Pour mieux exprimer la tension et le danger et permettre au lecteur de bien visualiser certaines scènes, il construit ses phrases sans verbe : "Clapotis le long de la rive sous la pluie. Chocs de rames sur le plat-bord. Claquements métalliques d'armes et d'équipements. Une rencontre dans l'obscurité sans visages visibles" ( citation ). Le récit de la partie de billard entre Falcó et Juan Portela alors qu'un bombardement fait rage est grandiose. Et puis la psychologie peut prendre le dessus par exemple lors d'un violent interrogatoire d'un suspecté traître.

Falcó agit en professionnel expérimenté, avec efficacité. Il va aimer une femme et il va alors douter.

José Antonio Primo de Rivera a été exécuté dans la cour de la prison d'Alicante le 20 novembre 1936. Une rébellion avait agitée la prison quelques jours avant.

 

Arturo  PÉREZ - REVERTE
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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 05:22
Patrick PÉCHEROT

Les brouillards de la Butte : premier volet de la Trilogie parisienne ( ou Saga des brouillards ). Publié en 2001 - Série noire - Grand prix de littérature policière 2002.

Pipette a quitté son Montpellier natal avec l'espoir de devenir célèbre en déclamant ses poèmes dans les cabarets de Montmartre. Il devra se contenter de petits boulots, d'une piaule miteuse dans le quartier du Château Rouge et de fréquentations douteuses. 

Bienvenu dans l'ambiance de Paris durant l'hiver 1926 - 1927. Des rues sombres, des petites gens au parler parisien truculent, les surréalistes d'André Breton bien dans leur rôle, les lumières du Moulin-Rouge qui se reflètent sur les pavés humides, ce roman de Patrick Pécherot est un roman d'ambiance. Et il arrive parfaitement à faire revivre l'entre deux guerre à travers le regard de personnages modestes et à l'avenir incertain. Pas étonnant que le soutien à Sacco et Vanzetti soit total.

Pipette avec trois comparses volent les riches. Un cambriolage tourne mal, ils forcent un coffre-fort et se retrouvent face à un cadavre. Et c'est le début des ennuis, sans doute parce que Pipette est curieux et s'est mis en tête d'identifier le macchabée avant de savoir qui l'a assassiné ! Pipette s'improvise détective, aidé par une jeune et belle innocente employée de maison. Un cadavre cache toujours de sombres affaires et Pipette doit enquêter dans des salles de jeu privées comme le Zanzi Bar où il croise des truands protégés par des porte-flingues et des mastards. Un cadavre peut en cacher un autre tout comme un chantage peut en cacher un autre !

Patrick Pécherot nous fait sourire tout en déambulant dans un Paris sombre mais attrayant où on entend parler de Potemkine et de Mistinguette avant de croiser La Goulue dont le destin tragique surprend. Pipette est un personnage attachant aux talents de détective privé prometteurs. Il pourrait ressembler à Sir Denis Nayland Smith héros de la littérature policière de l'époque et commissaire de police en Birmanie ( Burma en anglais ... ).

Bibliographie de Patrick Pécherot  

Patrick PÉCHEROT
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23 mars 2020 1 23 /03 /mars /2020 05:41
Yves  POURCHER

Le radio-traître, Jean Hérold-Paquis, la voix de la collaboration : Jean Hérold est né le 4 février 1912 à Arches dans les Vosges, sa famille y a toujours vécu, dans le quartier du Paquis. Il a été fusillé le 11 octobre 1945 au lendemain de la Libération. 

Septembre 1933, Paris, premier salon de la T. S. F. "Un pays, c'est une radio. Plus de nation, d'Etat, de région sans radio. La radio marque les identités et définit les appartenances". 

Printemps 1937, Paquis a déjà raté sa vie. Dettes, malversations, journaliste médiocre aux mauvaises fréquentations, il tourne le dos à l'Action française et fuit vers L'Espagne franquiste et le fascisme. Ce ne sont pas des faits d'arme dans une bandera française de légion étrangère franquiste qui le feront connaître car il est malade d'une pleurésie. Le directeur de Radio Saragosse a absolument besoin d'un speaker français. Parler un quart d'heure chaque jour ! Tout débute au mois d'avril 1938 dans les sous-sols de la faculté de médecine, plus précisément dans l'ancienne morgue. Paquis devient un agent de propagande fasciste. Au micro, Paquis excelle. Sa voix est reconnue. Il entre dans la cour des grands, rencontre l'ambassadeur de France en Espagne, le maréchal Pétain. En même temps les nazis préparent la guerre, avec des postes de radio.

Le début du récit d'Yves Pourcher est déroutant, avec des faits et témoignages sans liens évidents entre eux. Nous sommes alors en 1945, Paquis est emprisonné, les interrogatoires se succèdent puis son procès et son exécution. J'étais un peu frustré un peu comme si j'avais survolé une époque. Pourquoi, comment Paquis en était-il arrivé là ?

Et puis tout commence vers la page 100, le récit s'ordonne et trouve sa logique. L'enfance de Paquis, sa vie ratée à 25 ans. Puis l'Espagne et son retour en France en décembre 1939. Il fréquente l'Action française et La Phalange. Il écrit des billets pour la presse écrite. L'aide de ses connaissances est déterminante. En septembre 1940, il est appelé à Vichy où il est rapidement nommé délégué à la propagande par Pierre Laval. Ce n'est pas facile pour lui car il déforme un discours officiel qu'il juge trop mou. Ce n'est pas à Vichy qu'il faut être mais dans le Paris occupé qu'il rejoint en décembre 1941. Toujours grâce à des connaissances, les portes de Radio Paris s'ouvrent. Le 4 janvier 1942, il commence son travail comme simple rédacteur. Il sera bientôt l'Obersturmmilitaerischespeaker Paquis comme l'appelait Pierre Dac sur les ondes de la BBC. La guerre des mots a commencé entre "Radio Paris est allemand" et "L'Angleterre, comme Carthage sera détruite".

Ce qu'il y a d'exceptionnel dans cette biographie, c'est la place laissée au contexte historique qui permet de comprendre ce qu'a été la communication à cette époque et de découvrir l'habileté dont à fait preuve Paquis pour se hisser au sommet de la propagande d'abord collaborationniste et puis ouvertement nazie. Les personnages qu'il a côtoyé sont également mis en avant et j'ai beaucoup appris sur le fonctionnement non seulement de la propagande mais aussi de tous les rouages français qui ont profité de l'occupation. Des noms sont surprenants, d'autres sont à leur place. 

Merci à Alma Editeur  

 

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8 mars 2020 7 08 /03 /mars /2020 11:39
Dominique MANOTTI

Le corps noir : l'action se situe presque exclusivement à Paris, entre le 6 juin et le 25 août 1944. A chaque date, l'auteure fait référence à l'actualité du jour. Le 6 juin 1944 les alliés débarquent en Normandie. Le 25 août la 2e DB pénètre dans Paris libéré.

Entre ces deux dates, Paris était occupée. Dominique Manotti raconte les ultimes semaines noires vécues par la capitale. Il y avait la Wehrmacht ( l'armée allemande ). Reconnaissables à leur uniforme noir, il y avait la SS et son service de sécurité la Gestapo. La Gestapo employait de nombreux auxiliaires français. Les parisiens tentaient de survivre.

Début 1944 marque le déclin des groupes gestapistes français. Il y avait celui de René Deslauriers qui officiait au 180 de rue de la Pompe. Il y avait celui d'Henri Lafont qui était appelé la Carlingue et qui officiait au 93 de la rue Lauriston. Il y en avait d'autres et entre eux c'était un peu la guerre des gangs ... Il y avait de l'argent à se faire à cette époque, beaucoup d'argent. Les actions anti-terroristes n'étaient qu'un prétexte à voler tout ce qui pouvait être revendu au marché noir ou servait à honorer les commandes d'oeuvres d'art passées par les officiers allemands.

Ce roman de Dominique Manotti, outre l'aspect historique insiste sur l'état d'esprit de ces officines gestapistes alors que leur fin de règne approche. Leurs membres ont compris, la guerre est perdue. Doivent-ils fuir, se faire oublier pendant les règlements de compte, avant de ressortir de leur trou avec les fortunes accumulées ? Doivent-ils rester, il n'est peut-être pas trop tard pour s'acheter une nouvelle vie, il faudra bien reconstruire le pays et la France pourrait avoir besoin d'eux ?

Il y avait aussi une vie festive dans le Paris occupé. Le champagne coulait à flots la nuit dans les cabarets sous l'oeil complaisant de la Mondaine. On dansait la nuit à Paris et dans les mêmes rues le jour on torturait. Le monde de la nuit pouvait-il ignorer ce qui se passait le jour ? Viviane Romance, Jean Marais, Sacha Guitry, Cocteau ...

Domecq est un modeste inspecteur du 36. Le lecteur suit ses pas, incertains et prudents mais il le devine aussi habile. Il a ses entrées et des connaissances. Que cache-t-il ?

La 2ème DB arrive sur Paris précédée des barricades et de l'insurrection. Des ados à peine sortis de l'enfance prennent les armes. La jeunesse avenir de la France est le seul rayon de lumière dans ce roman noir qui retrace l'atmosphère de la fin de l'occupation à Paris. Si de cette époque, le rationnement et les privations ont été maintes fois présentés, Dominique Manotti en s'appuyant sur une documentation sans faille insiste sur la face cachée de la collaboration, celle des odieux profiteurs et celle de ceux qui sont devenus résistants de la dernière heure pour apparaître en toute impunité lors de la reconstruction de la France.

Dominique MANOTTI
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16 février 2020 7 16 /02 /février /2020 06:00
Émile  BRAMI

En collaboration : il y a eu deux débâcles en France durant la Seconde Guerre mondiale, celle de juin 1940 et celle d'août 1944 qui voit l'armée allemande se replier devant les troupes alliées. C'est au tour de ceux qui ont collaboré avec le nazisme de connaître l'exode. Je connaissais peu cet épisode. J'attendais beaucoup de la lecture de ce roman et je n'ai pas été déçu. J'ai été littéralement transporté pour vivre la fin d'un épisode noir de notre Histoire, un peu occulté par l'euphorie de la Libération.

Émile Brami offre au lecteur un exceptionnel récit historique, reposant sur une documentation rigoureuse. Août 1944, la Libération de Paris approche, inéluctablement. La fuite vers l'Allemagne est la seule issue pour ceux qui ont collaboré. Nancy puis l'Allemagne à Baden-Baden, Neustadt an der Weinstrasse et c'est finalement Sigmaringen qui devient par la volonté de Hitler une enclave française au sein du Reich.  Sigmaringen et sa colonie de collabos avec un pseudo gouvernement français héritier de Vichy. Pétain, Laval, Darnand et la Milice, Marcel Déat, Jacques Doriot du PPF et bien d'autres politiciens fantoches sont mis en scène de façon réaliste. Émile Brami se révèle un conteur hors pair, toujours passionnant et abordable à travers le regard du narrateur, un personnage fictif, français ordinaire qui a vécu l'occupation à Paris sans trop réfléchir aux conséquences de ses actes et dont la présence à Sigmaringen tient un peu du hasard. Les artisans de la collaboration intellectuelle sont aussi à Sigmaringen, parmi eux Louis-Ferdinand Céline, redevenu Docteur Destouches. Émile Brami est par ailleurs l'auteur d'une biographie de Céline qu'il nous présente ici dans toute sa complexité.

Sigmaringen et son château des Hohenzollern comme cadre d'une fin pathétique qui pourrait être ridicule si sans cesse la réalité ne ramenait le lecteur à la tragédie. Ce subtil et habile mélange structure le récit historique de l'auteur. 

Dans son roman Émile Brami dresse aussi le portrait particulièrement fouillé de Joseph Laborieux, personnage fictif. C'est le narrateur, orphelin timide, solitaire et renfermé qui à mon avis s'est laissé entrainé durant l'occupation. Joseph est énigmatique, presque inquiétant, parfois attachant, certainement influençable mais fidèle à sa parole. Il n'a pas vu la fin arriver et il a négligé le petit détail qui lui aurait permis comme tant d'autres d'être blanchi ou de se faire oublier. D'une manière général dans ce roman, tous les portraits dressés par l'auteur sont justes grâce à un vocabulaire riche, précis et évocateur.

Ce récit est aussi un polar car Joseph Laborieux est policier. Mais sa carrière est banale. C'est peut-être le fait d'être obéissant et disponible qui l'a fait déraper pendant l'occupation. Le dimanche 7 mars 1926, sa vie a basculé suite à la découverte du cadavre d'une très jeune femme d'une quinzaine d'années abandonnée au bord de l'eau, vidée de son sang, enveloppée dans une longue robe de lin blanc. Près d'elle, un message évoquant Hamlet et citant des vers de Rimbaud. Par la suite, chaque année presqu'à la même époque un crime identique est commis et un cadavre avec la même mise en scène  évoque Ophélie du tableau de Millais. Chaque année, une nouvelle Ophélie. Et cela devient l'obsession de Joseph Laborieux. Il suit toutes les pistes qui s'offrent à lui. Toutes sont des impasses. Et chaque année, une nouvelle Ophélie, y compris à Sigmaringen en 1945 au bord du Danube. Inlassablement Laborieux  poursuit ce qui est devenu une quête plus qu'une enquête. Et chaque année, une nouvelle Ophélie, jusqu'en 1957. Joseph Laborieux est bien sûr toujours là, pour ses Ophélie. Le face-à-face final avec le coupable est d'une intensité psychologique efficace et le titre "En collaboration" prend alors tout son sens.

Merci aux Éditions Écriture  

 

Ophelia, 1851-52, oil on canvas, by John Everett Millais. Picture: Courtesy Tate London

Ophelia, 1851-52, oil on canvas, by John Everett Millais. Picture: Courtesy Tate London

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2 février 2020 7 02 /02 /février /2020 07:05
Frédéric  PAULIN

La guerre est une ruse : au départ il y a de toute évidence une documentation sans faille sur l'Histoire récente de l'Algérie. La période 1992 - 1995 en Algérie constitue la trame solide de ce roman noir. 1992 en Algérie est un rendez-vous manqué avec la démocratie. Le 16 janvier 1992 il n'y aura pas de second tour aux élections législatives. En décembre 1991 le premier tour a vu la victoire des islamistes. L'armée met alors un terme brutal au processus électoral et précipite l'Algérie dans une atroce guerre civile. Frédéric Paulin ne se contente pas de faire le récit de ces évènements tragiques. Il met en scène quelques personnages fictifs pour servir sa démonstration et s'engage ouvertement dans la dénonciation d'une effroyable manipulation.

Tedj Benlazar est lieutenant de la DGSE et vit en Algérie depuis deux ans. Son père était algérien, sa mère française. L'Algérie et la France, un destin étroitement lié, la colonisation, le déchirement lors de l'indépendance et puis des liens qui ne reposent plus que sur des dépendances commerciales. Tedj et son chef, l'expérimenté commandant Rémy de Bellevue de la mission militaire française à Alger, ont du flair et pour eux la guerre civile algérienne ne se résume pas seulement à un affrontement mortel. Il y a manipulation. L'armée n'a pas hésité à commettre des exactions au nom du FIS puis des GIA afin de justifier sa politique de répression toujours plus violente. Le chaos ou les militaires mais cela ne gène pas les gouvernements français tant que cela reste en Algérie et que l'approvisionnement de la France en hydrocarbures est garantie.

Les évènements réels ponctuent le récit, attentats et prises d'otages succèdent aux rafles, la terreur est à Alger dans la Casbah refuge des islamistes puis la Mitidja s'enflamme. En coulisse, torture et camps de prisonniers dans le sud du pays, liens étranges entre certains militaires et les islamistes, une fiction rendu plausible par les faits eux-mêmes. Les services secrets algériens ( le DRS ) sont à l'oeuvre pour que le maintien des militaires à la tête de l'Algérie soit une évidence pour les algériens et la France.

Ce roman de Frédéric Paulin n'est pas seulement un récit historique pédagogique et engagé. L'auteur a su y intégrer une dimension humaine de plus en plus présente et poignante au fil des pages. La jeune Gh'zala dont la famille est déchirée et exécutée par la guerre, doit fuir le pays qu'elle aime pour la France où il n'y a pas d'intégration. Le lecteur assiste aussi au rejet par la France de Fadoul la compagne tchadienne de Bellevue. Ils n'étaient pas mariés, le décès de Bellevue ( sa vaine lutte contre le cancer s'ajoute à la tragédie ) la précipite dans l'illégalité. Et puis il y a Tedj, habile agent secret mais tellement humain et à la vie personnelle bien tourmentée.

Pendant ce temps, Khaled Kelkal attend son heure. Ce sera le 25 juillet 1995 vers 17 heures à la gare de Saint-Michel-Notre-Dame de la ligne B du RER. Le chaos a finalement touché la France et s'apprête à se propager plus largement encore. C'est à priori le thème du deuxième titre de la trilogie, suite avec "Prémices de la chute".

Frédéric  PAULIN
Frédéric  PAULIN
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11 décembre 2019 3 11 /12 /décembre /2019 18:57
Rhys  Bowen  ( suite )

Son espionne royale et le mystère bavarois : on peut être petite-fille de la reine Victoria et faire des ménages ! Voilà à quoi en est réduite Georgiana ( dont les lecteurs ont fait connaissance ici ), ce qu'elle fait discrètement, parfois en se cachant, souvent en ayant recours au mensonge. Et puis le 7 juin 1932, la reine Mary l'appelle. Lady Georgiana a toute la confiance de la reine d'Angleterre, impératrice des Indes et de tout le tralala et lui confit des missions délicates. Comme l'indique le quatrième de couverture "elle doit héberger la princesse Hanneflore de Bavière et jouer les entremetteuses entre elle et le prince de Galles dans l'espoir que ce dernier se détoure de son amante américaine". Dans la pratique, cette mission se révèle presque annexe, un peu comme si l'auteure utilisait la liaison du futur Edouard VIII avec Wallis Simpson comme prétexte pour emmener le lecteur dans les coulisses de la hight society anglaise ...

La mission de Georgie n'est pas de tout repos. La princesse Hanni se révèle un personnage haut en couleur, effrontée et dépensière qui ne pense qu'à sortir et vivre dans l'insouciance comme les jeunes de son âge ( après dix années passées au couvent, je la comprend ). Et puis il y a sa dame de compagnie, personnage truculent dont l'apparition est épique et hilarante, je l'imagine parlant avec son accent germanique source de quiproquos ...

Il y a bien sûr une énigme policière habile, la visite de la princesse tourne au drame lorsqu'un militant communiste est assassiné dans le quartier malfamé de l'East End. Mais là encore ce n'est qu'une clé pour prendre le pouls de l'Europe du début des années 30 car recevoir une princesse bavaroise qui a croisé Herr Hitler n'est pas anodin tout comme évoquer la présence de communistes dans le paysage politique et économique de l'époque.

 

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20 novembre 2019 3 20 /11 /novembre /2019 18:10
Sylvie  LASSALLE

Le village des secrets : août 1912, Jules, le fils Toussaint, est de retour dans son village natal de Vescaut à deux  heures de train puis de carriole à cheval depuis Toulon. Tout le monde en parle, Jules a été absent quinze ans, le temps de son engagement dans la Coloniale. Jules retrouve sa jeunesse et des souvenirs parfois brouillés par le temps. Habilement, Sylvie Lassalle fait vivre Vescaut et sa région avec le regard étonné de Jules et dans ses pas guidés par la curiosité. Portraits et habitudes renaissent en lui avec une part de mystère, bien des évènements se sont passés en quinze ans, la société locale ne ne s'est pas figée.

Jules n'a pas l'intention de rester, un emploi réservé l'attend au Ministère de la Marine à Toulon. Mais il espère secrètement se marier avant de repartir. Il pense à Camille très attachée au village et à Anna photographe indépendante aux idées modernes. Jules voudrait aussi aider ses soeurs Othilie et Marguerite à régler au mieux l'expropriation de parcelles familiales situées en bord de mer sur le tracé d'une nouvelle ligne de chemin de fer. A la campagne au début du XXème siècle, il n'est pas facile de se séparer de ses terres.

Sylvie Lassalle réussit un beau récit avec un peu de terroir, un peu d'Histoire et des intrigues multiples qui mêlent malédiction, disparitions, trafic d'opium mais aussi malversations politiques dans un XXème siècle en pleine mutation. J'ai été très intéressé par la reconstitution de la démocratie multipartite naissante sous l'oeil critique de la presse écrite. La lecture est agréable avec un suspense partout présent et favorisé par les nombreux secrets qui planent dans le village de Vescaut. Une surprise, une révélation ou une interrogation attendent le lecteur dans chaque chapitre. Ce roman permet également de revivre un passé colonial aussi prestigieux ( le Tonkin, le Soudan ou Madagascar font rêver ) que tragique avec la sinistre réputation des bataillons disciplinaires d'Afrique du Nord ou de Martinique.

Tous les sujets abordés s'enchaînent de façon très cohérente pour notre plus grand plaisir.

Merci à City Éditions et à Sylvie Lassalle.

 

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