Sadorski et l'ange du péché : suite de la fresque historique consacrée à la seconde Guerre mondiale et à l'occupation, avec Léon Sadorski en guide ... sinistre ( voir deuxième tome ICI ).
C'est en consultant la bibliographie à la fin de ce roman que j'ai pu mesurer l'étendue du travail d'historien de Romain Slocombe, les multiples documents administratifs et références à des correspondances, récits et journaux personnels. Cette documentation foisonnante permet au lecteur de mieux s'approprier ce troisième tome ( 730 pages mais je ne me suit pas ennuyé une seule seconde ! ) de l'Histoire de Paris en mars et avril 1943 pendant laquelle Sadorski ( Inspecteur principal adjoint à la 3ème section de la direction générale des Renseignements généraux et des Jeux et chef du Rayon juif ) louvoie à la frontière entre le bien et mal.
Dans l'appartement où vivait la famille Odwak , Sadorski a trouvé le journal intime de Julie. Il le lit. Julie vit recluse avec la famille Sadorski, un peu comme Anne Franck. Les autorités allemandes sont bien sûr conscientes que toute la famille Odwak n'a pas été raflée. Mais il y a la protection de Léon Sadorski. Protéger une jeune juive et se comporter comme un salop, toujours prêt à brandir sa carte de réquisition pour accabler une femme, jeune de préférence, le plus souvent juive. Menacer une vendeuse de la Samaritaine, enquêter sur un possible trafic d'or, tout est bon pour profiter. Mais il veut aussi protéger Julie. Julie Odwak occupe une place centrale dans ce roman à travers la lecture de son journal intime, une vision spontanée et intime de la tragédie vécue par les juifs.
Ce roman est le roman du Paris des privations, de la peur, de la violence. Le Paris de ceux qui collaborent anonymement par la délation et de ceux qui s'enrichissent avec le marché noir, le Paris de ceux pour qui collaborer est une aubaine. Paris avec ses affiches de propagande, les soldats allemands en permission, le couvre-feu et les rafles. Il n'y a pas eu que celle du Véld'Hiv, elles se poursuivent, il faut toujours envoyer plus de juifs vers l'Europe de l'Est.
Et puis soudain un attentat de résistants, un bombardement des alliés. Sur tous les fronts, l'armée allemande vacille. Que faire pour ne pas être inquiété à la fin de la guerre ? Que faire pour sauver sa peau pendant l'occupation ? Sadorski a choisi, sans être pro-nazi, il veut de l'ordre quitte à l'imposer par la force et la peur. Il est nationaliste et anticommuniste ( le mot n'est pas assez fort pour lui, il lui préfère antibolcheviste ). Il est aussi raciste et antisémite. Mais il veut sauver Julie.
Sadorski adore fouiner, il y a toujours une bonne affaire à découvrir ou profiter d'une belle femme. Les lumières des plateaux de cinéma l'attirent. Cette facette du Paris occupé est à la fois fascinante et incongrue : le cinéma français des années noires, les studios de la Villette, Radio-Cinéma. Sadorski croise Pierre Fresney dans les couloirs, Robert Bresson tourne son premier film "Les Anges du péché". Renée Faure est de la partie.
Romain Slocombe continue d'explorer les années noires de l'occupation à Paris. Je ne m'en lasse pas. Il fallait oser mettre en scène un personnage comme Léon Sadorski. Mais c'est à ce prix que la reconstitution minutieuse de l'époque est réussie. La fin du roman est ouverte et laisse présager une suite. Je l'espère vivement !
Bibliographie de l'auteur ICI
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