C’est le sous-titre de ce récit qui a attiré mon attention : « La peine de mort à 17 ans ». Ma curiosité n’a pas été déçue. Les résultats des recherches de l’auteur constituent un point historique précis sur le système judiciaire, les procédures policières et le traitement par la presse d’une fait divers tragique survenu au Havre et remontant à 1938.
Dans l’après-midi du 8 juin 1938, Alice Vitel est assassinée à son domicile de plusieurs coups de fer à repasser sur la tête et son jeune fils âgé de quelques semaines meurt étouffé. De l’argent a été dérobée. Le commissaire Léon Solinhac effectue des constatations minutieuses sur la scène de crime. Il procède à des interrogatoires lors de l’enquête de proximité qui permettent d’identifier un suspect en la personne d’André Vitel âgé de 17 ans, le beau-frère de la victime. Dans son récit, l’auteur cite des extraits des procès-verbaux rédigés à l’époque des faits.
André Vitel est arrêté le 9 juin au matin. Il avoue aussitôt le double meurtre ainsi que le vol de la somme de 1000 Francs. Les interrogatoires de l’accusé et les renseignements recueillis la veille permettent d’en dresser un portrait peu flatteur suite à une enfance malheureuse. L’enquête se poursuit sous la direction du juge d’instruction Olivier Cravin : perquisition chez André Vitel, reconstitution des meurtres, nouveaux interrogatoires de témoins pour découvrir un mobile et recueillir des renseignements sur Alice et son mari employé de la Compagnie générale transatlantique. Une expertise psychiatrique est ordonnée, l’auteur souligne son caractère empirique parfois même inspiré de données phrénologiques. André Vitel est considéré comme responsable de ses actes.
Pendant toute la durée de l’instruction, la presse locale et nationale se passionne pour l’affaire Vitel, titre sur « l’ignoble assassin du Havre » et s’étonne de l’attitude apathique de l’accusé. Le procès d’André Vitel a lieu le 17 février 1939, sur une seule journée, il est reconnu coupable et condamné à mort. Son pourvoi en cassation est rejeté, sa peine ne pourra pas bénéficier d’une commutation. « Individu dangereux pour la population » , « Individu doué des pires instincts » , « Attitude non susceptible d’amendement ». Avant son exécution en place publique de Rouen le 2 mai 1939, la foule crie « A mort ». Ce jour-là, un adolescent, un « monstre », a pleuré.
Le récit de Mathieu Bidaux est concis, étayé de citations puisées dans les dossiers de la cour d’assises de Seine-Inférieure. Le lecteur s’interroge sur les exagérations de la presse et ses prises de position : « Personne n’admettrait que le monstrueux assassin ne payât de sa tête » , « Une grâce soulèverait très certainement un tollé général ». Le point de vue de la société est influencé et le verdict apparait comme une réponse à l’opinion publique. Les examens psychiatriques de l’époque n’ont pas permis de cerner la personnalité d’un coupable qui n’était encore qu’un adolescent.
Le récit de « L’affaire Vitel » de Mathieu Bidaux s’inscrit dans le genre true crime avec matière à s’interroger sur la justices des mineurs. Il donne envi de lire ou relire Truman Capote et son roman « De sang-froid ».
L’affaire Vitel – Mathieu BIDAUX . Parution août 2024 , Éditions des Falaises . ISBN 978-2-84811-656-3 .
Présentation éditeur : Le Havre, 8 juin 1938. André Vitel est un jeune homme de 17 ans employé comme garçon de sonnerie sur les paquebots de la Compagnie générale transatlantique. Il est accusé d’avoir tué sa belle-sœur à coups de couteau et d’avoir étouffé son petit neveu, âgé de quelques semaines seulement, pour une somme modique. La scène de crime horrifie les autorités. L’attitude du meurtrier choque la population. Est-il un « monstre » n’exprimant pas le moindre sentiment ou bien la presse exagère-t-elle pour vendre ses journaux ?
Mathieu Bidaux fait le récit de cette affaire qui a frappé la presse nationale et normande ainsi que la population à l’été 1938. André Vitel est le dernier mineur condamné à mort en place publique en France.
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