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11 avril 2024 4 11 /04 /avril /2024 15:46
Natacha LEVET - Le roman noir, une histoire française

Et si le roman noir était une embarcation ? D’abord sans nom elle aurait cherché la flotte d’où elle venait. Roman naturaliste, prolétarien, western, récit criminel ? La barque avance à la godille et puis un jour est aspirée dans le sillage hardboiled des pulps qui traversent l’Océan, de l’Amérique du Nord vers le vieux Continent. Un vaisseau qui deviendra prestigieux, la « Série noire », va l’adopter et contribue à lui donner le nom de « roman noir ». Mais le roman noir n’a pas de pavillon et progresse toujours à la godille, surfe sur la vague de la pop culture. Le roman noir apprend de ses explorations autant qu’il influence les côtes qu’il approche. Le roman noir se reconstruit, innove et gagne en autonomie. Il devient critique un peu comme un bateau pirate. Le roman noir a eu des équipages prestigieux, d’abord masculins puis féminins. Le roman noir vogue toujours. Il a acquis une riche expérience, il connait les secrets de l’Histoire et se projette dans l’avenir. Il a traversé sans naufrage tellement de tempêtes qu’il n’est pas près de jeter l’encre.

Natacha Levet raconte l’histoire française du roman noir de manière érudite mais son propos reste simple. Consulter la table des matières est une manière efficace de rentrer dans son récit même lorsqu’il devient essai. Ce livre n’est pas seulement destiné à être lu d’une traite, il sert aussi à être consulté et pour s’y référer. L’histoire du roman noir de Natacha Levet deviendra une référence, c’est certain.

Le fil conducteur est chronologique, un récit de quelques siècles jusqu’à nos jours, en mettant l’accent sur le XXème. Cela sous-entend un véritable travail d’historien avec son lot de mises au point, d’éclaircissements, d’analyses et de découvertes. C’est aussi d’innombrables écrivains évoqués, tout le monde y trouvera des auteurs déjà lus et sera tenté par de nouveaux noms. L’auteure cite également des titres qui constituent une bibliographie d’une richesse étonnante, presque patrimoniale, une PAL inépuisable dans laquelle piocher en gardant sous le coude l’histoire française du roman noir, pour s’y référer.

Natacha LEVET – Le roman noir, une histoire française . Parution le 21 février 2024, Presses Universitaires de France. ISBN 978-2-13-084198-2 .

Présentation éditeur

Le roman noir français est généralement considéré comme un héritier du récit hardboiled américain, né dans les années 1920. Pourtant, il est aussi le résultat d’une histoire française, d’influences littéraires diverses et de pratiques éditoriales qui ont « inventé » le roman noir. Après Mai 68, le roman noir français cultive en effet sa singularité et reconvertit le genre en acte critique, idéologiquement investi : parce qu’il se veut une radiographie critique et politique de la société, de ses institutions, voire un instrument d’intervention sociale, il remet résolument en cause le « roman national », donnant voix aux invisibles du temps présent et offrant un tombeau aux victimes muettes du passé.

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21 mars 2024 4 21 /03 /mars /2024 16:40
Fabrice RICEPUTI - Le Pen et la torture . Alger 1957, l'histoire contre l'oubli

Dans ce livre l’historien Fabrice Riceputi fait la synthèse des recherches historiques et journalistiques sur le passé tortionnaire de Jean-Marie Le Pen durant la Guerre d’Algérie. A son retour d’Alger, Le Pen légitime l’emploi de la torture pour lutter contre des actes terroristes. Des mesures d’amnistie prises par l’Etat français à la fin de la guerre en mars 1962 renforcent cette impunité. L’ascension politique de Le Pen va le conduire à nier les faits de torture et à plaider la diffamation alors que le général Massu exprime des regrets et qu’Aussaresses avoue. Pour autant, aucune reconnaissance officielle de cette sombre page du passé colonialiste de la France n’est encore faite. 

Fabrice Riceputi poursuit son récit en reconstituant le séjour de Le Pen à Alger entre le 28 décembre 1956 et le 31 mars 1957. A l’époque Le Pen est député poujadiste, réserviste ( il a servi en Indochine ) et volontaire pour rejoindre l’Algérie comme lieutenant au 1er Régiment Étranger de Parachutistes en pleine bataille d’Alger. Il occupe la fonction d’officier de renseignement. Fabrice Riceputi reconstitue pas-à-pas le séjour de Le Pen à Alger, la chronologie est rigoureuse, les faits qui la jalonnent proviennent de documents et archives officielles. C’est un travail d’historien complété par des investigations journalistiques à Alger pour de nos jours questionner des témoins directs. Ces témoins étaient jeunes à l’époque, aujourd’hui âgés ils se souviennent. Ce travail journalistique permet de reconstituer une carte des lieux d’arrestation principalement dans la Casbah et des centres de détention et de tortures situés dans les quartiers où est affecté le 1er REP, le Régiment du lieutenant Le Pen.

Fabrice Riceputi a questionné des témoins, il a également étudié les plaintes déposées auprès de la Préfecture de Police par des familles ayant assisté à une arrestation par des militaires puis restées sans nouvelles des disparus. Cette collecte de témoignages sur des disparus algériens se poursuit avec le site internet https://1000autres.org/ animé par Malika Rahal et Fabrice Riceputi .  Le Pen a été confronté aux témoignages de ses victimes algériennes et a systématiquement remis en cause la véracité de ces récits. A la fin de son livre, Fabrice Riceputi démonte l’argumentaire des cinq principales dénégations de Le Pen.

Ce livre est le résultat d’un long travail d’historien enrichi par une minutieux travail journalistique. Fabrice Riceputi ne manque pas de rappeler d’autres travaux de recherches sur le passé colonial de la France, parmi eux ceux de Pierre Vidal-Naquet et Jean-Luc Einaudi que François Gèze a contribué à faire connaître.

Fabrice RICEPUTI – Le Pen et la torture . Alger 1957, l’histoire contre l’oubli . Parution le 19 janvier 2024, Éditions le passager clandestin en collaboration avec Mediapart. ISBN 978-2-36935-386-7 .

Merci à l'éditeur, le passager clandestin , voir ICI  

 

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29 janvier 2024 1 29 /01 /janvier /2024 16:29
Alexandre COURBAN  - Passage de l'Avenir, 1934

Pour bien rentrer dans l’histoire, j’ai effectué quelques recherches sur l’époque et les lieux choisis par l’auteur comme cadre de son premier roman.  En 1934 le Front populaire n’est pas encore élu mais l’union est en marche et tout particulièrement lors des manifestations dans le sud-est du 13ème arrondissement de Paris dont l’Histoire se confond avec la ville d’Ivry. La plus grande pauvreté règne dans la Cité Jeanne d’Arc et ses immeubles insalubres où des familles vivent dans le plus grand dénuement. Le secteur est un bastion communiste. Sur une vieille carte j’ai situé le passage de l’Avenir, non loin d’une immense sucrerie, la raffinerie de la Jamaïque ou raffinerie Say. Dans l’Histoire de cette raffinerie, il y a un directeur dont le prénom est Ernest. Le vrai Ernest a été en poste jusqu’en 1905 et son destin est identique à celui du directeur de 1934 imaginé par Alexandre Courban. J’adore lorsque l’Histoire sociale et humaine est le fil conducteur d’un récit. Avec Passage de l’Avenir, 1934 j’ai été comblé. L’Histoire permet de sublimer le polar et le roman noir.

Février 1934, le corps d’une jeune femme est repêché de la Seine. La thèse de la mort accidentelle ne convainc pas le taciturne commissaire Roger Bornec mais pour progresser dans son enquête il lui faudrait identifier la victime ce qui s’avère quasi impossible, le quartier Jeanne d’Arc accueille une population anonyme venue de France et d’Europe, main d’œuvre exploitée dans les usines du secteur. Bornec a fait passer des articles dans les journaux mais la victime reste inconnue. Un avis de recherche a été publié dans l’Humanité où travaille Gabriel Funel, depuis dix ans journaliste, il est le responsable de la rubrique social du quotidien communiste.

L’enquête sur la noyée de la Seine est dans une impasse. Pendant ce temps les manifestations se multiplient. Les revendications sont multiples que ce soit dans le domaine social ou pour combattre le fascisme attisé par la situation en Allemagne. Gabriel Funel est en première ligne, en temps que militant et comme journaliste. Bornec mène la police lors de perquisitions et procède à des arrestations. Le peuple est dans la rue et chante La Jeune Garde. Cette situation caractérisée par une  violence d’Etat implacable entre février et juin 1934 est très bien mise en valeur par l’auteur.

Bornec est un flic opiniâtre qui n’abandonne pas ses investigations sur la noyée de la Seine. Deux clochards ont vu des choses. Un accident du travail survenu parmi le personnel va l’amener à s’intéresser à la raffinerie de la Jamaïque. Le journaliste Funel a mis le doigt sur une affaire de spéculation et d’enrichissement personnel, un scandale va agiter la raffinerie de la Jamaïque. Les enquêtes de Bornec et Funel se rejoignent. Entre temps le lecteur a croisé un sinistre militant des Croix-de-Feu et la jeune et belle militante Camille que l’on espère revoir dans une suite.

Ce roman est d’une richesse exceptionnelle. Histoire et polar y font bon ménage. C’est aussi un retour sur les luttes sociales annonçant le Front populaire, à ma connaissance une période peu explorée par le roman noir. C’est aussi un hommage à la presse écrite de l’époque, l’Huma en tête mais d’autres titres sont évoqués pour traduire la diversité des opinions. C’est un roman érudit, très bien écrit avec des dialogues teintés de mots d’argot bien choisis. Des personnages fictifs attachants côtoient des personnages historiques pour faire vrai. Ernest le directeur de la raffinerie de la Jamaïque personnalise à lui seul la face noire d’une société capitaliste qui aujourd’hui n’a pas complètement changé.

Alexandre COURBAN – Passage de l’Avenir, 1934 . Parution le 25 janvier 2024, Édition Agullo, collection Agullo Noir. ISBN 978-2-38246-105-1 .

© Plan de Paris par arrondissement ; Bois de Boulogne , Métropolitain, édition L. Guilmain à Paris

© Plan de Paris par arrondissement ; Bois de Boulogne , Métropolitain, édition L. Guilmain à Paris

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27 janvier 2024 6 27 /01 /janvier /2024 10:02
Julien DONADILLE  -  La paix paresseuse

Il y a foule à Stresa en avril 1935, au bord du lac Majeur, face aux îles Borromées et leurs palais. Mussolini a bien fait les choses pour accueillir les délégations françaises et anglaises. Ces trois pays veulent conforter les dispositions du traité de Versailles qu’Hitler bafoue en réarmant l’Allemagne devenue le Troisième Reich. Il est également question de consolider les accords de Locarno devant garantir les frontières du centre de l’Europe alors que le Troisième Reich menace l’indépendance de l’Autriche.

Julien Donadille fait le récit de cette conférence de Stresa à travers le regard de Pierre-Marie Franceschi un diplomate du Quai d’Orsay qui ne participe pas aux débats officiels mais finalement j’ai trouvé tout aussi intéressant de participer avec lui aux discussions informelles qui se sont tenues lors de luxueuses réceptions. En marge de ces mondanités Pierre-Marie va sauver de la noyade une belle et mystérieuse inconnue. Marlène se dit comédienne et parle allemand. Son prénom s’avère être Ester, elle est soi-disant la maîtresse d’un autrichien. Lorsqu’elle lui dérobe des documents de travail, Pierre-Marie l’imagine espionne.

La délégation italienne est conduite par le Duce en personne. On y trouve aussi son gendre Ciano. La délégation britannique est emmenée par le Premier ministre MacDonald. La France est représentée par le président du Conseil et par Pierre Laval le ministre des Affaires étrangères. Dans leurs sillages suivent ambassadeurs et leurs épouses, attachés militaires, diplomates comme Pierre-Marie Franceschi et journalistes.

La romance teintée d’espionnage entre Ester et Pierre-Marie ne tient pas en haleine. Par contre les discussions informelles et les négociations d’antichambre sont passionnantes. Il est évoqué une réussite économique allemande bonne pour les affaires. Des militaires sont partisans d’une intervention armée en Allemagne. Le caractère dangereux et raciste du fascisme est âprement discuté. Il est question d’égalité vis-à-vis de l’Allemagne face à l’Italie qui s’arme à tout va. Il est exclu de voir l’Italie et l’Allemagne s’allier quitte à officialiser l’hégémonie italienne sur l’Abyssinie. Les intérêts à préserver sont multiples et privilégient "une paix paresseuse" plutôt qu’une "paix constructive". Dans un discours Pierre Laval affirme le contraire, l'Histoire prouvera son erreur de jugement.

J’ai d’autant plus apprécié ce roman historique que j’avais en tête un excellent roman parlant du traité de Versailles et de l’attitude odieuse de Clemenceau : voir ICI , Jean-Paul Mahoux « Paix sur la guerre ». Et puis il y a le roman qui parle du cataclysme qui a suivi , Éric Vuillard « L’ordre du jour » voir ICI

Julien DONADILLE – La paix paresseuse . Parution le 17 janvier 2024, Éditions du Rocher. ISBN 9782268109947 

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28 décembre 2023 4 28 /12 /décembre /2023 13:48
Christos MARKOGIANNAKIS - Scènes de crimes au Louvre

Les représentations de scènes de crime dans l’art ne manquent pas. Christos Markogiannakis a appliqué ses connaissances en criminologie dans l’étude de scènes de crime figurant sur des œuvres d’art exposées au Louvre . La première œuvre étudiée ( une stèle mésopotamienne datée de la période 1792-1750 Av JC ) sert d’avertissement ( aux assassins ! ) car elle représente un des plus anciens codes règlementaires connu. Tout crime sera puni, à l’époque il est appliqué la loi du talion ( lex talionis ) « œil pour œil , dent pour dent ». Il s’en suit une étude de 26 crimes représentés par des sculptures ( 2 ),  des vases ( 4 ) et des peintures sur toile ou autres supports.

La premier intérêt de cet ouvrage qui sort vraiment de l’ordinaire, incite le lecteur à examiner dans le détail les belles photos sur papier glacé et le plus souvent en couleur de ces œuvres. Néophyte, j’ai adoré être guidé par l’érudition de l’auteur mais aussi par ses commentaires simples. Chaque texte explicatif d’une œuvre est court, en général 3, 4 ou 5 pages. Des caractéristiques bien choisies, quelques mots sur le contexte historique, c’est suffisant pour regarder d’un autre œil ces œuvres d’art.

Le second intérêt est bien sûr criminalistique et l’amateur de roman policier, d’enquêtes  et de procédures retrouve ses marques lorsque l’auteur fait parler les indices, ose un mobile, met en évidence des témoins et identifie un coupable parfois en distinguant le meurtrier et le commanditaire. Il est question de vengeance, de préméditation, de crime politique, de crime de masse,  d’infanticide. Il pose une question inattendue : Thésée était-il un tueur en série ?

L’auteur parle bien sûr de « Marat assassiné » ( 1794 – atelier de Jacques-Louis David ) mais le peintre David n’a pas représenté le coupable dont le nom est cependant bien connu. Charlotte Cordet est représentée sur des toiles plus récentes ( Paul Baudry en 1860 ou Edvard Munch en 1907 ).

J’ai éprouvé un intérêt particulier à l’étude du tableau de Paul Delaroche « Les enfants d’Édouard (1931) représentant Édouard V, roi mineur d’Angleterre et Richard duc d’York, son frère puîné. Ces deux enfants ont disparu, peut-être assassiné par Richard III qui va régner à la place de son neveu Édouard V. De nos jours pour aider à progresser dans la résolution de cette énigme historique, des analyses ADN pourraient être conduites sur des ossements mais aucune autorisation n’a été accordée. A qui profite ce régicide ? C’est une autre histoire, très controversée. Shakespeare en a écrit une version. Une autre est l’oeuvre  de Joséphine Tey et a pour titre « La fille du temps » , un formidable polar dont je parle ICI  .

Les récits de Christos Markogiannakis sont passionnants et instructif dans un domaine artistique peu exploré dans la littérature policière. Une approche inédite. 27 œuvres – 27 chapitres qu’il est facile de lire et intéressant de relire, aujourd’hui ou demain ou dans longtemps. De magnifiques photos à voir et revoir et à graver dans sa mémoire.

Scènes de crimes au Louvre – Christos MARKOGIANNAKIS . Éditions Le Passage ( 2017 – réédité en 2022 ). ISBN 9-782847-424928.

Christos Markogiannakis a récidivé en publiant en 2018 « Scène de crime à Orsay »

Christos MARKOGIANNAKIS - Scènes de crimes au Louvre
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28 février 2023 2 28 /02 /février /2023 16:28
Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX – Aux origines de la pop culture

J’adore découvrir l’Histoire des livres. En 2013 j’avais été enthousiasmé par « Une histoire de l’édition à l’époque contemporaine ( XIXème – XXème siècle ) » d’Elisabeth PARINET ( voir ICI ). Je n’ai pas été déçu par le focus fait par Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX et dont le titre complet est "Aux origines de la pop culture - Le Fleuve Noir et les Presses de la Cité au coeur du transmédia à la française, 1945 - 1990". Je connaissais l’érudition de Matthieu LETOURNEUX à travers sa page internet consacrée au roman d’aventures ( voir ICI ), Avec Loïc ARTIAGA, il raconte une histoire formidable dans laquelle j’ai retrouvé tout ce qui me fait aimer lire.

Il est bien sûr question de littérature populaire ( ou littérature de genre ) qui a connu un âge d’or dans l’entre-deux-guerres impulsé par les romans noirs américains. La Seconde Guerre mondiale va tout bousculer et sera suivie d’une dynamique nouvelle de l’édition française façonnée par d’efficaces hommes d’affaires. Parmi ceux-ci il y a Sven Nielsen ( 1901 – 1976 ) fondateur des Presses de la Cité en 1944. En 1949 Armand de Caro, Guy Krill et Robert Bonhomme fondent le Fleuve Noir. Leur démarche est simple et efficace, attirer les auteurs francophones ou non, inonder le marché avec des tirages imposants et multiplier les points de vente indépendants des Messageries officielles. Ils attirent le lecteur grâce à des couvertures alléchantes, des collections aux noms évocateurs et des parutions fréquentes et régulières. Le livre devient un objet de consommation courante et n'échappe pas une société des Trente Glorieuses adepte du consumérisme . Ces deux maisons d’édition fusionneront en 1963.

Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX insistent sur les stratégies commerciales des Presses de la Cité et du Fleuve Noir. Ils développent également les relations entretenues avec les auteurs. Les figures de proue, Frédéric Dard ( Fleuve ) et Georges Simenon ( Presses de la Cité) représentatifs du polar sont progressivement rejointes par des noms qui vont passionner un plus large public. Après le second conflit mondial, cette nouvelle littérature s’inspire de l’actualité dans des nouveaux genres, Guerre froide pour l’espionnage, progrès technologique et conquête de l’espace pour l’anticipation, Tous les publics sont touchés par cette production de masse qui a besoin de tous les publics pour vivre économiquement. Quel plaisir de voir évoquer des auteurs distrayants ( Paul Kenny, Claude Rank, Jean Bruce, G.-J. Arnaud … et il y en a tant d’autres ) et des héros inoubliables ( OSS 117, Coplan, Vic St Val, Mr Suzuki … et il y en a tant d’autres ).

Le livre de Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX est richement illustré ( photos, copies de correspondances et de documents administratifs, reproductions de couvertures … ) pas seulement pour faire joli, les légendes sont habilement rédigées et constituent des compléments d’informations détaillées et utiles. Je ne résiste pas à l’envi d’évoquer les dessins de Michel Gourdon qui ont largement contribué à attirer l’œil des lecteurs sur les couvertures de multiples romans chez Fleuve.

Les temps changent, la fin du récit de Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX raconte les nouvelles mutations qui ont modifié au tournant des années 1990 le visage de l’édition. Il reste que l’âge d’or de l’édition populaire de l’après-guerre a profondément influencé non seulement le monde de l'édition mais aussi d’autres médias.

Loïc ARTIAGA et Matthieu LETOURNEUX – "Aux origines de la pop culture. Le Fleuve noir et les Presses de la Cité au cœur du transmédia à la française, 1945 – 1990". Parution le 3 novembre 2022, Éditions La Découverte. ISBN  9782348074738.
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4 février 2023 6 04 /02 /février /2023 17:34
Valérie VALEIX - "Le soldat d'étain assassiné"

Cette deuxième enquête du capitaine Sabre se passe deux mois après le tome 1 ( Les diamants de Waterloo – voir ICI  ).

Décembre 1815, rue des Arcis à Paris, c’est là que réside Jérôme Blain, ex-capitaine au 1er chasseurs à pied de la Garde impériale, désormais détective à l’Agence de l’Ours noir, associé à Vidocq de la Sûreté. Son futur voisin, Imbert, a découvert un cadavre dans la demeure où il allait emménager. La victime tient dans une main un soldat d’étain peint aux couleurs de l’uniforme des chasseurs à cheval de la Garde, au doigt il porte une bague en forme de bicorne, une curieuse blessure mortelle au dos. Imbert abritait la victime dénommé Ferrand un ancien colonel des dragons de l’Impératrice, traqué par les ultras royalistes.

Dans ce deuxième roman policier historique Valérie Valeix a fait le choix de privilégier l’Histoire. Rien n’échappe à son regard érudit et spécialiste de Napoléon Bonaparte. Elle guide le lecteur sur les champs de bataille de la Grande Armée, jusqu’en Egypte succès scientifique mais réussite militaire mitigée à l’aube du Premier Empire. On sent l’auteure admirative mais lucide. Les portraits de maréchaux et d’hommes politiques ne manquent pas mais son récit captive aussi par des anecdotes, l’Histoire est aussi faite d’un quotidien cocasse ou cruel. Paris avec ses rues, ponts, bords de Seine et bâtiments est mis en avant avec ceux qui y vivent. Mais Valérie reste vigilante et ne perd pas de vue l’enquête du capitaine Sabre qui reste un fil conducteur solide.

Jérôme Blain n’est pas épargné. Il est accusé du meurtre de Ferrand. Imbert a disparu tout comme Marion l’épouse de Jérôme et leur fils Napoléon-Louis. Les cadavres se multiplient, un suspect se suicide. Tout est fait pour emmener le détective dans des impasses. Mais c’est sans compter avec l’aide et la protection d’un personnage historique que je connaissais peu. Il s’agit de l’ex-chirurgien de la Grande Armée Dominique-Jean Larrey. Il a été de toutes les campagnes de Napoléon, soignant les blessés de tous les camps et visionnaire en matière de médecine et de chirurgie qu’il continue à pratiquer à l’Hôpital militaire du Gros-Caillou de Paris.

Au lendemain de la bataille de Mont-Saint-Jean ( Waterloo pour les anglais ) la France est occupée par les soldats de la coalition victorieuse. L’épuration sévit avec une basse police politique qui surveille les anciens bonapartistes et traque les officiers de la Grande Armée entrés dans la clandestinité. C’est une période fertile en officines ultra-royalistes désireuses de se venger et aux filières montées dans la clandestinité pour exfiltrer les officiers craignant l’exécution comme le maréchal Ney fusillé le 7 décembre 1815. C’est dans ce contexte que Valérie Valeix a bâtie une intrigue complexe et crédible dans laquelle le lecteur ne sera pas surpris de croiser Schulmeister l’espion de l’Empereur.

Valérie VALEIX – Le soldat d’étain assassiné. Parution mars 2021, Éditions du Palémon. ISBN  978-2-372-605-98-4.

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30 septembre 2020 3 30 /09 /septembre /2020 18:07
Jean-Marie  AUGUSTIN

L'interdit vestimentaire du Moyen Âge au voile islamique : j'aime les livres d'Histoire lorsqu'ils parlent d'une thématique à travers les siècles. Ce court livre de Jean-Marie Augustin ( qui a enseigné l'Histoire des institutions ) ne déroge pas à la règle avec sa rigueur et sa précision historique, des détails seulement lorsqu'ils aident à comprendre, une chronologie bien mise en évidence pour souligner une évolution et les faits, rien que des faits sans prendre parti ni juger et cela est fondamental lorsqu'une problématique reste très actuelle. Cela contribue à comprendre et à expliquer le présent. C'est une des grandes fonctions de l'Histoire.

De nos jours le port du voile islamique en France fait débat, il divise jusqu'à obliger à légiférer. Mais ce n'est pas nouveau, l'interdit vestimentaire à ponctué l'Histoire de France avec peut-être à l'origine la religion chrétienne et saint Paul qui demande aux femmes de se couvrir les cheveux pour participer aux offices religieux. Mais ce code religieux n'est pas exclusif, l'habit révèle aussi le sexe ou l'appartenance sociale. Il y a eu des interdits vestimentaires au nom de la morale ( pas de luxe ostentatoire sous Charlemagne ). Ce peut être aussi un choix politico-économique comme depuis la Renaissance jusqu'à la Révolution pour limiter les importations de biens précieux. Ces interdits s'appliquent indifféremment aux hommes et aux femmes. Mais périodiquement les motifs religieux refont surface comme sous le règne d'Henri III ( roi de France de 1574 à 1589 ). 

La Révolution française va simplifier l'habit avec des coupes pratiques et sans artifice. Le port de la cocarde tricolore sera un temps obligatoire. Les prêtres se voient proscrire la soutane dans l'espace public en 1792. On assiste aussi à une masculinisation progressive de l'habit féminin qui n'aura de cesse s'affirmer. Georges Sand, Colette ou la sportive Violette Morris furent pionnières en la matière. Le développement de la bicyclette à la fin du XIXème siècle et le travail des femmes en usine durant la Grande Guerre favorisent le port du pantalon par les femmes. L'après seconde Guerre mondiale voit se mêler la tradition chez les adultes et l'anticonformisme chez les jeunes dont la haute couture finira par s'inspirer. Le pantalon pour les femmes restera source de querelles entre ministres. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, obtient début 2013 l'abrogation d'une vieille ordonnance de 1800 qui interdisait aux femmes de s'habiller en homme sans autorisation. Le principe d'égalité entre les femmes et les hommes a pris le pas sur la morale et la religion.

Le récit de l'auteur fourmille d'anecdotes sur des époques surannées où le tragique côtoie parfois le comique. Des illustrations permettent de visualiser des tenues évoquées dans le texte.

Et le voile islamique dans tout cela ? Une petite moitié de cet ouvrage y est consacrée. L'affaire du collège Gabriel-Havez de Creil en septembre 1989 est l'élément déclencheur d'une querelle politique où se mêle laïcité et féminisme. Les racines religieuses du port du hijab ou du niqab n'ont pas de fondement religieux évident même si des courants musulmans le mettent en avant. L'auteur cite le Coran, le commente et le place dans le contexte historique au moment de son écriture. Missions parlementaires, débats politiques, querelles dans la rue se succèdent jusqu'à la loi de 2010 qui est décryptée, tant son contenu que les difficultés de son application et les démêlés judiciaires qui n'apporteront à ce jour aucune solution durable ni aucune amorce de dialogue pour arriver à un compromis entre Islam, laïcité et droit de la femme.

Merci à Librinova  

 

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15 novembre 2019 5 15 /11 /novembre /2019 08:48
José  FRÈCHES

La petite voleuse de la soie : le secret de fabrication de la soie a été volé ! Cela s'est passé en Chine durant le règne de l'empereur Han Xiandi entre les années 189 et 220. Réalité ou légende ? Ce vol va précipiter la fin de la dynastie Han. A cette époque il y avait un ministère de la Soie. Il entretenait dans le plus grand secret des fermes où les larves du bombyx étaient élevées et nourries de feuilles de mûrier. Chaque larve sécréte un cocon d'où est extrait un fil de soie après une préparation demandant une dextérité extrême. Les bobines de soie étaient ensuite envoyées à Pékin dans le Lieu interdit pour être teintes, tissées et parfois brodées avant de devenir un trésor national, synonyme de prospérité économique et véritable arme diplomatique enviée par les pays voisins situés sur la route de la Soie comme le Khotan.

José Frèches aurait pu transformer ce vol en roman d'aventure ou d'espionnage. En fait il fait vivre ce récit à travers le portrait approfondi de quelques chinois qui ont été confrontés aux  mêmes évènements mais ne les ont pas perçus de la même manière. Cette variété des regards, des comportements et des sentiments offre au lecteur un roman plus riche et élargit la présentation de la Chine de cette époque. L'auteur n'a pas choisi la facilité, l'énigme ne constitue qu'un fil ( de soie ) ténu mais le résultat est à la hauteur et peu à peu le portrait de la chine se dessine, avec des traits tantôt très marqués par la réalité ou parfois proche de l'imaginaire.

Grâce à ce roman de José Frèches, j'ai compris pourquoi et comment la Chine ancestrale fait rêver. Elle domine grâce à la soie mais s'affaiblit à cause d'ambitions individuelles. Chine mystérieuse dont les croyances interrogent. Chine secrète qui attise la curiosité. Chine cruelle et fragile comme Amina esclave devenue ministre et violente comme la crue du fleuve Jaune. Chine attendrissante comme la belle et douce Étoile du Nord.

"La petite voleuse de la soie" est le premier roman d'un cycle qui devrait s'appeler Les arcanes de la Chine. Il ne faut donc pas manquer la lecture de ce premier opus qui constitue une mise en place instructive, émouvante et distrayante.

Merci aux Editions XO

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 08:46
© Damien Grenon / Photo 12

© Damien Grenon / Photo 12

José FRÈCHES a d'abord exercé des fonctions auprès d'hommes politiques avant de se consacrer à l'écriture. C'est un spécialiste reconnu de l'Histoire de la Chine ancienne et il est l'auteur de séries romanesques qui font référence en la matière. Il est aussi l'auteur de biographies comme celles de Gandhi ou Gengis Khan. José Frèches est né en 1950 à Dax, non loin de là, à Espelette, naquit en 1826 Armand David qui a connu un destin incroyable, en Chine, bien évidemment !

José FRÈCHES

Le Père David, l'Impératrice et le Panda : c'est l'histoire émouvante qui aurait pu être tragique d'un animal attendrissant. C'est l'histoire d'aventures trépidantes autour d'un animal aux gestes lents. C'est l'histoire vraie de celles et ceux qui ont sauvé de l'extinction un animal innocent. 

Une fois n'est pas coutume, j'ai commencé ma lecture par la postface, habilement construite pour attiser la curiosité et l'envi d'en savoir plus sur Armand David. C'est son histoire que nous raconte José Frèches à travers le périple romancé de David Etcheparre en Chine.

Avec lui, j'ai embarqué pour un long voyage à bord d'un voilier équipé de deux moteurs à vapeur, le Richelieu. C'est comme cela que l'on se rendait en Chine en 1865, un pays-continent où Cixi détient tous les pouvoirs, c'est la rusée mère du jeune empereur Tongzhi pour lequel elle nourrit les plus grandes ambitions.

J'ai accosté à Tianjin avant de rejoindre Pékin, la capitale bâtie autour de la Cité interdite. J'ai appris des rudiments de chinois grâce à un jeune sourd-muet. Et j'ai fait des découvertes extraordinaires. La faune et la flore sont d'une richesse exceptionnelle, pimpante comme les écus d'or de l'immortel Ginkgo biloba, mystérieuse comme toutes ces espèces animales que David est le premier occidental à observer et à décrire. C'est le cas du cerf qui a été baptisé de son nom, Elaphurus davidianus

J'ai exploré des contrées rurales aujourd'hui oubliées ou devenues des villes-provinces surpeuplées. J'ai vécu des peurs dans un pays tour-à-tour violent ou étourdie par l'opium et partout j'ai partagé les émerveillements de David devant la nature envoutante. David utilise une modeste bible pour confectionner un herbier, la nuit il dissèque et naturalise des animaux. J'ai découvert des espèces dont le nom latin attise ma curiosité et m'incite à rechercher une photo ou un dessin pour les voir après les avoir imaginées.

J'ai visité la Tartarie, remonté le Yang-Tsé ou fleuve bleu à la recherche du dauphin rose avant de rejoindre le Sichuan. Les habitants du Sichuan pratiquent la chasse de l'ours-chat. Nous sommes en septembre 1869, déjà cette espèce est en voie d'extinction, ses gestes lents en font une proie facile, sa fourrure domino est très recherchée. Plutôt que fuir devant les dangers, imperturbable, il préfère mastiquer ses chers bambous.

La rencontre entre David et le panda est brève mais marquante. Il n'hésite pas et cède vite aux sollicitations de la jeune et belle Fleur de Sang : il faut sauver l'ours-chat. David rencontre Cixi l'impératrice douairière qui comprend vite l'intérêt de protéger cet animal attendrissant. Avec son jeune fils, elle décide que le panda sera le symbole de l'empire du Milieu. De nos jours le panda reste un trésor national pour la Chine.

José Frèches est publié par les Editions XO, voir ici http://www.xoeditions.com/

 

Le Père Armand David en 1884

Le Père Armand David en 1884

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