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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 15:21
Frédéric PAULIN - Nul ennemi comme un frère

Difficile de parler de Frédéric Paulin sans évoquer la « Trilogie Benlazar », une fresque historique et romanesque exceptionnelle retraçant et expliquant l’Histoire récente (  1992 à 2015 ) du terrorisme islamique ( voir ICI ). L’actualité récente a réouvert un dossier tragique, celui du Proche-Orient. Notre attention a été focalisée sur Gaza avant de se porter sur le Liban. Le nouveau roman de Frédéric Paulin arrive à point nommé pour aider à comprendre une géopolitique locale d’une complexité extrême et rappeler la souffrance des populations locales à la fois impliquées et victimes d’un conflit que les occidentaux sont incapables d’apaiser et ont parfois exacerbé. Ce premier récit concerne la période 1975-1983 et est annoncé comme le premier volet d’une nouvelle trilogie.

La lecture des premières pages est déroutante. Pas facile de dater à quel moment commence le récit. Le présent se confond avec le passé, l’auteur parle de faits remontant à 1936, il évoque le 12 août dernier. Les protagonistes sont nombreux et leurs noms s’annoncent difficiles à retenir, tout comme ceux des lieux et des factions. Dans la trilogie Benlazar, il y avait des chapitres regroupés en parties et chacune correspondait à une année. En postface il y avait des glossaires et des chronologies. Rien de tout cela dans ce premier épisode de l’Histoire du Liban.

J’ai pris des notes. Il faut prendre des notes. Frédéric Paulin est habile, peu à peu des personnages principaux se dessinent. C’est sur eux que l’Histoire moderne du Liban va reposer. C’est grâce à eux que le lecteur entrevoit une lueur de vérité. Leurs souffrances personnels permettent d’imaginer les déchirures des peuples présents au Liban en 1975. Avec quelques personnages fictifs magnifiquement choisis par l’auteur, le lecteur est entraîné dans un récit d’une puissance rare et à la lecture addictive. Le destin de ces personnages est intimement imbriqué autant dans la plongée du Liban dans l’horreur que dans les coulisses de la politique française.

La famille Nada est chrétienne maronite. Proches de la France, les Nada occupent une place politique et économique forte au Liban. Le jeune Michel Nada a la double nationalité, libanaise et française. Il rejoint la métropole pour se faire une place dans les rouages politiques de la droite française, pour que la voix libanaise soit entendue. Avec lui, au sein du RPR, le lecteur assiste à l’ascension de Chirac. Sa famille restée au Liban est proche du président Gemayel.

Abdul Rasool al-Amine est un chiite de la ceinture des déshérités de la banlieue sud de Beyrouth et du Sud-Liban. Zia al-Faqih est une jeune femme chiite. Ils militent au sein de la milice armée Amal pour que des droits leur soient accordées dans leur pays, le Liban.

Kellermann est conseiller politique à l’ambassade de France à Beyrouth. Il est français mais sa seconde patrie est le Liban qu’il connait et qu’il aime. Lorsqu’il rejoint la France ses connaissances servent le PS et le futur président Mitterrand.

Le capitaine Dixneuf est officier traitant du SDECE à Beyrouth. Sa mission est de prévoir et d’agir pour la France. Mais peut-il vraiment l’assumer avec efficacité lorsque la France soutient les maronites, soutien l’OLP de Yasser Arafat et les palestiniens sans patrie réfugiés au Liban, discute avec la Syrie d’Hafez el-Assad qui soutient les Druzes libanais, livre des armes à l’Irak en guerre contre l’Iran de Khomeiny après lui avoir accordé l’asile ? Pendant ce temps Israël annexe le Golan et bombarde les camps palestiniens de la plaine de la Bekaa.

Le contexte libanais est d’une complexité extrême. On tue, on exécute, on se venge, on assassine, on finance les luttes armées grâce à l’argent de la drogue. Le Liban est en ruines. Toutes les populations souffrent et meurent. Le récit de Frédéric Paulin est à n’en pas douter le fruit de recherches historiques et d’investigations journalistiques impressionnantes et pour les restituer, il a choisi la littérature.

Michel Nada a épousée Sandra Gagliaco la fille d’un député RPR. Michel Nada est promis à une carrière politique brillante. Sandra est juge d’instruction spécialisée dans la lutte anti-terroriste. Le terrorisme frappe la France. Action Directe, Syrie, groupuscules dissidents de l’OLP, arméniens : le commissaire Caillaud et son adjoint Jacquemin enquêtent.

Les protagonistes imaginés par Frédéric Paulin vivent, se croisent, s’aiment, se détestent, souffrent, se révoltent, à l’image du Liban. Des parents ont peur et ont de la peine. Tous sont impuissants et subissent une situation hors de contrôle. Autant de points-de-vue, autant de tragédies. Il n’y a plus de frères, seulement des ennemis à jamais et des massacres comme à Sabra et Chatila. La division et la haine règnent, même au sein des chiites. L’horreur ne fait que commencer : «En fait ce n’est pas la fin d’un monde , c’est seulement la violence de l’Ancien Monde qui s’amplifie ». C’est sur ces mots que s’achève ce premier récit, passionnant, bouleversant et instructif. Nous sommes le 23 octobre 1983, à l’aube.  

Frédéric PAULIN – Nul ennemi comme un frère . Parution 22 août 2024, Éditions Agullo . ISBN 978-2-38246-113-6 .

Présentation éditeur : Beyrouth, 13 avril 1975. Des membres du FPLP ouvrent le feu sur une église dans le quartier chrétien d’Ain el-Remmaneh. Quelques minutes plus tard, un bus palestinien subit les représailles sanglantes des phalangistes de Gemayel, inaugurant un déferlement de violence sans commune mesure qui dépassera bientôt les frontières du Liban et du Proche-Orient.
Michel Nada part alors pour la France, où il espère rallier la droite française à la cause chrétienne. Édouard et Charles, ses frères, choisissent la voie du sang. Dans la banlieue sud de Beyrouth, Abdul Rasool al-Amine et le Mouvement des déshérités se préparent au pire pour enfin faire entendre la voix de la minorité chiite.
À l’ambassade de France, le diplomate Philippe Kellermann va, comme son pays, se retrouver pris au piège d’une situation qui échappe à tout contrôle.
Mais comment empêcher une escalade des tensions dans un pays où la guerre semble être devenue le seul moyen de communication ? La France de Giscard et de Mitterrand en a-t-elle encore seulement le pouvoir, alors qu’elle se voit menacer au sein même de son territoire ?
Première partie du projet le plus ambitieux de Frédéric Paulin à ce jour, Nul ennemi comme un frère retrace les premières années de la guerre du Liban.

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27 décembre 2024 5 27 /12 /décembre /2024 11:38
Dominique MAISONS  -  Drapeau noir

Il se raconte que Louise Michel fut la première à brandir un drapeau noir fait d’un vieux jupon noir fixé sur un manche à balai. C’était le 9 mars 1883 lors d’une manifestation de chômeurs contre la faim. Le drapeau noir devient alors le symbole des anarchistes en lutte pour la liberté et l’égalité.

Pierre et Nina se sont rencontrés dans une imprimerie parisienne en avril 1934, elle venait y chercher des tracts anarchistes et lui voulait faire imprimer son premier livre. A peine le temps d’échanger un regard et ils doivent fuir devant la police. Une course poursuite sur les toits, à travers les rues de Paris et pour finir dans les égouts ! C’est toujours un immense plaisir de retrouver Dominique Maisons dans ses récits inspirés par la littérature populaire d’aventure. L’amour impossible est également un thème cher à la littérature populaire. Pierre et Nina se sont aimés au premier regard mais leur amour durera-t-il une vie entière ? Nina est anarchiste militante. Pierre est un modeste comptable accaparé par la difficile publication de son premier livre.

Pierre, le narrateur, va accompagner Nina dans ses engagements et ses luttes souvent clandestines mais aussi dans une vie libertaire. C’est un peu comme si Pierre suivait Nina la nuit. Le jour il redevient comptable de la maison d’éditions Denoël et Steele . Robert Denoël a accepté de publier son livre et cela implique une conduite respectable. Pierre aime éperdument Nina, pourra-t-il la persuader de s’écarter de ses idéaux ? Nina aime Pierre à sa manière, pourra-t-elle le convaincre de renoncer à son confort petit-bourgeois ?

La publication d’un livre est devenu une lutte pour Pierre, il y parle de son père, un mutin de 1917 victime d’une justice militaire expéditive. Ce livre est sa manière de le réhabiliter, il ne renoncera pas, c’est son combat. Pour garder la confiance de Nina, pour ne pas passer pour un lâche, il va la suivre dans de folles aventures politiques et découvrir la vie parfois dissolue de son amoureuse dans les communautés anarchistes. Le tableau dessiné par Dominique Maisons des milieux anarchistes de l’époque est érudit avec une touche de nostalgie. C’est un tableau historique  avec ses personnages célèbres comme l’ukrainien Nestor Makhno, la rivalité avec le stalinisme totalitaire et dominateur et les luttes pour la Paix, contre le fascisme et tout particulièrement l’idéologie des Croix-de-Feu. C’est aussi un portrait sociétal du mode de vie anarchiste et de ses aspirations qui devaient contribuer à changer l’Homme et qui restent des combats d’aujourd’hui : lutte contre l’homophobie, respect des droits des femmes et des enfants, écologie. Dominique Maisons ne se contente pas d’un inventaire, il met en scène, il imagine, il illustre et son récit est une véritable aventure menée à toute vitesse avec les dangers que représentent la police aidée par l’armée et avec son lot de surprises et de rebondissements.

La rupture entre Nina et Pierre est inévitable. Pierre est resté dans son confort tranquille, Nina a continué de se révolter. Mais la flamme de l’amour de s’éteint jamais et pour qu'ils se retrouvent une nouvelle aventure commence dans le fracas de la guerre d’Espagne avant un final parfaitement maîtrisé et dominé par l’espoir.

Dominique MAISONS – Drapeau noir . Parution août 2024 , Éditions de La Martinière . ISBN 9791040115311 .

Présentation éditeur : Paris, 1934. Pierre, jeune employé des éditions Denoël, se rêve écrivain. Alors qu’il dépose son manuscrit dans une imprimerie débarquent des gendarmes sur la piste de tracts anarchistes. Une jeune militante l’entraîne avec elle dans sa fuite. Se révèle alors pour Pierre le monde des réunions clandestines, des fumeries d’opium et des rêves de liberté. À travers la figure incandescente de Nina, le mouvement anarchiste déploie ses idéaux : le droit à l’avortement, la lutte anti-capitaliste, l’écologie… Pierre devra-t-il choisir entre son amour pour Nina et la carrière d’écrivain qui lui ouvre ses portes ?

Autre roman de Dominique Maisons : "On se souvient du nom des assassins" , voir ICI  

 

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22 décembre 2024 7 22 /12 /décembre /2024 07:04
Arttu TUOMINEN - Tous les silences

Coïncidence, lors de la rentrée littéraire d’automne 2024, deux romans parlent de la Finlande dans la seconde Guerre mondiale. Pour respecter la chronologie historique « La guerre d’hiver » est le premier engagement finlandais pour répondre à l’invasion de l’URSS. Olivier Norek en parle magnifiquement dans « Les guerriers de l’hiver » ( voir ICI ). La Finlande est vaincue après une résistance historique de plus de trois mois et début 1940 l’URSS occupe une partie de son territoire. En juin 1941, l’armée finlandaise équipée par l’Allemagne lance une offensive contre l’Armée Rouge. La Finlande se trouve de facto engagée aux côtés des nazis. Le 6 décembre 1941 la Grande Bretagne lui déclare la guerre. Pour illustrer ce second conflit que les finlandais appellent « Guerre de Continuation », Arttu Tuominen a choisi le roman noir et une énigme criminelle de 2019 qui trouve ses racines dans la Guerre de Continuation avec l’engagement de certains soldats finlandais aux côtés des nazis. L’auteur dénonce et rappelle ces évènements oubliés ou cachés.

Septembre 2019, Albert Kangasharju âgé de 97 ans est victime d’une agression dans le parc de la maison de retraite où il réside à Pori, un port finlandais sur la côte du golfe de Botnie. Albert est sauvé grâce à l’intervention d’une infirmière. Ses deux agresseurs prennent la fuite mais tout laisse à penser qu’ils voulaient le pendre car une corde avec un nœud coulant est retrouvée fixée à un arbre. Hospitalisé il est victime d’une nouvelle tentative d’homicide et sauvé par Jari Paloviita de l’unité de Police criminelle régionale.

Le roman d’Arttu Tuominen est scindé en deux histoires distinctes dont il alterne la narration : l’enquête sur l’agression du vieux Kangasharju et le récit historique de finlandais qui en avril 1941 rejoignent l’armée allemande et un centre d’instruction dans le Jura souabe pour constituer le régiment Westland de la division Wiking de la Waffen SS. Ils ont été 1400 finlandais et l’auteur s’intéresse plus particulièrement aux volontaires Klaus, Martti, Virkkala, Ylikylä et Albert. Ils rejoignent le front sud de l’opération Barbarossa durant l’été 1941. Le roman de l’auteur devient récit historique de guerre, âpres combats pour franchir le Dniepr puis pour rejoindre Bakou et entre les combats exactions atroces, crimes génocidaires envers les civils avec comme point culminant de l’horreur les exécutions sommaires commises dans la forêt ukrainienne de Monastyrskiy fin 1941. Des soldats finlandais participent aux massacres.

L’enquête en 2019 des policiers de Pori est dans l’impasse. Un autre vieillard est assassiné. Le lecteur devine facilement  la solution mais la police manque de preuves pour le mobile des agressions et surtout piétine sur l’identité des meurtriers. L’auteur oriente alors son récit contemporain sur le portrait des enquêteurs et leur vie personnelle. L’ensemble perd un peu de son intérêt d’autant plus que seule la situation de Jari Paloviita est approfondie.  

Quatre-vingt ans après les faits il est difficile d’identifier des criminels de guerre, de prouver leurs actes. Identité modifiée, témoins disparus, il devient quasi impossible d’étayer une accusation. Cette problématique est bien mise en avant par Arttu Tuominen ainsi que les recherches historiques et les investigations journalistiques dont la poursuite est indispensable pour rétablir la vérité. Le roman noir et la littérature se révèlent très efficaces pour raconter le passé dans une sorte de vulgarisation accessible à tous.

Arttu Tuominen – Tous les silences . Titre original « Vaiettu » ( Finlande 2021 ) traduit du finnois par Claire Saint-Germain . Parution le 20 septembre 2024 , Éditions de La Martinière . ISBN 9791040117926 .

Présentation éditeur : Le grand roman noir du passé nazi de la Finlande
Ukraine, 1941. Deux SS tiennent entre leurs mains la vie d’une mère et de son enfant. Au dernier moment, ils décident de leur épargner la fureur de leurs hommes.
Finlande, 2019. Deux hommes s’acharnent sur le corps d’un vieillard et le laissent pour mort. La victime était un ancien combattant méritant et médaillé.
Entre ces deux événements, c’est tout le passé de la Finlande, jamais exhumé, qui se révèle. Celui de jeunes volontaires engagés au sein des Waffen-SS pour lutter, sous les ordres de l’Allemagne nazie, contre l’ennemi bolchévique.

Âpre et puissant comme peuvent l’être Ron Rash ou Dennis Lehane, Arttu Tuominen met à nu la plus grande fracture de l’histoire de la Finlande, dans ce nouveau roman de la série policière Delta noir, déjà couronné des plus grands prix.

Ce roman fait partie d’une série qu’Arttu Tuominen a baptisé « Delta » comme le delta du fleuve Kokemäenjoki lorsqu’il se jette dans le golfe de Botnie après avoir traversé la ville de Pori. « Delta » compte six titres publiés en Finlande entre 2019 et 2024. « Tous les silences » est le troisième tome, venant après « Le serment » ( Finlande 2019 – France 2021 ) et « La revanche » ( Finlande 2020 – France 2023 ). Ces trois premiers romans mettent en scènes les mêmes policiers de Pori, Linda Toivonen, Henrik Oksman et Jari Paloviita sous les ordres de Susanna Manner. Je n’ai lu que « Tous les silences », cela peut expliquer la frustration de voir seulement le portrait de Paloviita mis en avant au détriment de Linda ou d’Henrik Oksman solitaire et surdoué qui intrigue. Il faut toujours commencer une série par le début, je le sais et je viens encore de l’apprendre à mes dépends. « Tous les silences » n’en est pas moins un bon roman noir historique .

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12 décembre 2024 4 12 /12 /décembre /2024 10:16
Natalia SELVA - Les lumières de la ville n'en finissent pas de briller

Fin des années 2010, le lieutenant Frédéric Arroyo de la PJ de Toulouse est envoyé à New York pour se familiariser avec de nouvelles méthodes de travail du FBI pour reprendre les enquêtes d’affaires criminelles anciennes et non résolues, les fameux cold case. Pauline M’Bokolo l’accompagne, c’est une civile en liberté provisoire mais ses connaissances approfondies en informatique apparaissent comme précieuses et sa collaboration pourra l’aider face à la justice.

Le duo français travaille sur un meurtre remontant à 1937, celui de Peter Christchurch, jeune américain dont le cadavre a été retrouvé sur les rivages de Brooklyn. L’enquête de l’époque n’avait pas abouti mais des éléments nouveaux découverts grâce aux nouvelles technologies justifient la réouverture du dossier. Le lieu du crime est mieux situé grâce à des simulations reconstituant la dérive du cadavre dans les eaux de l’East River, une nièce de la victime est auditionnée, elle n’avait pas été questionnée en 1937 car elle n’était alors âgée que de six ans, un inconnu posant aux côtés de la victime sur une photo de presse est identifié, il est encore en vie et peut être interrogé.

Les nouvelles recherches et découvertes qui en découlent sont passionnantes, La prise en compte de l’histoire familiale et du contexte social et politique de l’époque, permettent de dresser le portrait de la victime. Le polar habile de Natalia Selva est un roman noir s’intéressant à la neutralité américaine face aux bouleversements politiques en Europe à la fin des années 1930, notamment la Guerre d’Espagne. La victime s’apprêtait-elle à répondre à « L’appel des Brigades Internationales » ( c’est le sous-titre de ce roman ) ?

Face aux souvenirs susceptibles d’être déformés par le temps, l’auteure introduit des faits historiques que Frédéric Arroyo recueille auprès de sa compagne Hélène qui enseigne l’Histoire à Toulouse. Le roman noir de Natalia Selva devient un récit historique richement documenté où se mêlent de pertinentes réflexions actuelles provoquées par le passé de Pauline M’Bokolo, une femme issue de l’immigration. L’enquête sur le meurtre de Peter dont le véritable prénom est Pietro, n’est pas pour autant perdue de vue ce qui confère à ce roman un intérêt supplémentaire. 

Natalia SELVA – Les lumières de la ville n’en finissent pas de briller . Parution octobre 2024, Éditions Arcane 17 . ISBN 9782493049438 .

Présentation éditeur : Frédéric Arroyo, un policier français, et Pauline M’Bokolo, une hackeuse repentie, participent à un projet international de mise à jour des méthodes d’enquête sur les « cold case » à New York. Cette affaire les plonge dans la perception de la guerre d’Espagne outre-atlantique et l’engagement de certains jeunes américains dans les Brigades internationales. Cette enquête pousse Frédéric à s’interroger sur son héritage familial.
  Ce roman explore des questions très contemporaines du devoir de mémoire et de l’engagement collectif. Comment fonctionne la mémoire ? Comment l’oubli conduit-il à revivre les mêmes tragédies ? Peut-on rester neutre face à l’injustice à l’autre bout du monde ?

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18 novembre 2024 1 18 /11 /novembre /2024 16:57
Stéphane KELLER  -  Moneda

Dans ce roman le lecteur retrouve Paul-Henri de la Salle un personnage pas des plus sympathiques qui durant la Seconde Guerre mondiale n’avait pas choisi le camp des vainqueurs. C’était le tireur de « Mourir en mai » ( voir ICI ) mais l’uchronie imaginée alors laisse place dans « Moneda » à la vraie Histoire.

Février 1973, de la Salle est devenu Sébastien Desboz de nationalité suisse et propriétaire discret d’un bar restaurant tranquille de Santiago du Chili situé non loin du Palais présidentiel de la Moneda. En 1973 la situation politique et économique chilienne est catastrophique. Salvador Allende est président depuis 1970 à la tête d’une coalition de gauche qui entreprend de profondes réformes et une étatisation de l’économie. La droite nationaliste n’a de cesse de déstabiliser le gouvernement, de provoquer des pénuries et d’organiser des grèves. La violence règne dans l’attente des élections de mars 1973 qui voit l’opposition unie devenir majoritaire au parlement. Salvador Allende reste président et dirige le pays par décrets ce qui est conforme à la constitution chilienne. A partir de cette situation proche du chaos, Stéphane Keller imagine deux récits parfaitement insérés dans la réalité historique chilienne de l’année 1973.

Une serveuse travaillant dans le Bar du Suisse a été assassinée. La police corrompue est inefficace, préférant mettre en avant la responsabilité du gouvernement de gauche. D’autres crimes atroces similaires ont lieu. Pour démasquer le tueur en série, de la Salle engage celui qui est peut-être le dernier flic intègre de Santiago. Cet inspecteur devient détective privé, il est perspicace et efficace mais ne peut terminer sa mission face à un tueur tout aussi habile. Ce tueur est mis en scène, c’est un militaire et l’auteur entraîne le lecteur au plus profond de ses pulsions criminelles et partage sa vie au sein de la communauté militaire et de l’aristocratie chilienne où règnent le patriarcat et la haine du communisme. C’est instructif pour comprendre la réalité historique.

Pendant ce temps la CIA a entrepris une vaste entreprise de déstabilisation du régime chilien. Si après les élections de mars 1973, Allende reste au pouvoir, il faudra aller plus loin et le renverser. Nixon et Kissinger chargent le général Lee Preston Beaulieu d’organiser un putsch. Beaulieu est un va-t-en guerre comme il y en a certainement eu aux USA à cette époque de Guerre froide et de conflit au Viet Nam. La paranoïa guide l’armée, les services secrets et les officines, c’est l’époque du Watergate. Beaulieu se considère comme le seul capable de sauver les USA que les civils mènent à leur perte. Il veut compromettre Kissinger, un juif né en Allemagne et tous les moyens sont bons, tuer n’est pas un problème. Beaulieu est aussi un suprémaciste descendant des premiers colons puritains.

La préparation du putsch militaire du 11 septembre 1973 au Chili ne manque pas de véracité. L’armée chilienne est prête, elle a été formée aux techniques de guerre contre-insurrectionnelle que la France maîtrise depuis la Guerre d’Algérie. Elle a été initiée à la torture. Une répétition générale a eu lieu le 29 juin 1973 avec le soulèvement avorté d’une partie d’un régiment blindé. L’heure du général Augusto Pinochet est arrivée.

Stéphane Keller est un formidable raconteur d’histoire. Encore une fois il excelle dans cet art difficile de la fiction mêlée à l’Histoire, avec des personnages plus vrais que nature. C’est richement documenté. L’auteur reconstitue, dévoile, dénonce. Il réussit aussi à imaginer la personnalité effrayante d’un tueur en série. Les pages défilent, la lecture passionne. « Moneda » est tour-à-tour, roman noir, roman historique, roman policier et roman d’espionnage sans qu’aucune facette ne soit ratée.

Stéphane KELLER  -  Moneda . Parution le 18 septembre 2024, Éditions Toucan Noir .  ISBN 9782810012244.

Présentation éditeur : Les élections approchent et les tensions politiques sont de plus en fortes, tandis que le président Allende tente désespérément de repousser les manœuvres de la CIA pour le renverser.

Dans une ville où l’atmosphère est devenue étouffante, où les grèves et les violences se succèdent, un homme part, seul, à la recherche d’une femme qu’il a aimée.

Cet homme, c’est Sébastien Desboz, le propriétaire du Bar du Suisse, situé près du palais présidentiel de la Moneda, un lieu fréquenté par des employés et des fonctionnaires du quartier. Personne ne sait que Sébastien s’appelle en fait Paul-Henri de la Salles. Personne ne sait qui il a été véritablement et ce qu’il a fait durant la dernière guerre. La jeune femme disparue se prénomme Pilar, c’est l’une des serveuses du bar, et même si leur relation a été épisodique, Paul-Henri n’a plus qu’une obsession : la retrouver.

Au même moment, à la Maison-Blanche, le général Preston Beaulieu est reçu par le président Nixon lui-même en présence du secrétaire d’état Kissinger. Beaulieu est le chef des services spéciaux de l’armée. Nixon est catégorique, il veut définitivement la peau d’Allende.

Alors que Pilar demeure introuvable, des crimes étranges se multiplient et l’étau qui menace la démocratie se fait plus pressant.

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31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 12:22
Didier DAENINCKX  -  Meurtres pour mémoire

Le récit de Didier Daeninckx s’ouvre le mardi 17 octobre 1961 en fin d’après-midi. Une manifestation pacifiste d’algériens protestant contre le couvre-feu imposé à leur seule communauté se prépare à Paris alors qu’en Algérie se déroule la guerre d’indépendance. La répression de la police du préfet Papon est implacable et sanglante. La police tire sur les manifestants. Dans les jours qui suivent, le pouvoir politique n’aura de cesse de minimiser le nombre des victimes innocentes. Publié en 1983 « Meurtres pour mémoire » est un marqueur de la place du roman noir sur la dénonciation de crimes cachés de l’Histoire.

Changement d'époque, le lecteur retrouve l’inspecteur Cadin quelques mois après sa première enquête ( « Mort au premier tour » , voir ICI ). Cadin a été muté à Toulouse, nous sommes en 1978 durant l’été, sur fond de revendications sociales. Bernard Thiraud, un étudiant, a été assassiné de dix balles dans le dos. Ce meurtre accapare toute l’attention de l’inspecteur Cadin, il fait fi de l’indifférence de sa hiérarchie et des pressions des élus de Toulouse qui voudraient que la police consacre ses efforts à leurs petites préoccupations quotidiennes.

Cadin est un flic consciencieux et opiniâtre, il s’intéresse à une mystérieuse voiture aperçue sur les lieux du crime de Thiraud, il y a quelque chose qui cloche. Cadin cherche, ce n’est peut-être qu’un détail mais il veut une explication. Il ne néglige aucune piste, sollicite l’aide d’un collègue des Renseignements Généraux, s’intéresse à l’argent du FLN, un trésor de guerre disparu qui pourrait attiser bien des convoitises. Cadin s’interroge sur l’OAS, sur le SAC et sur un énigmatique André Veillut ( nom d’emprunt derrière lequel peuvent se cacher nombre de personnalités politiques au passé criminel oublié ou caché  ) qui aurait commandité des exécutions politiques. Le travail de Cadin s’apparente alors à de l’investigation journalistique. Le mobile de l’assassinat de Bernard Thiraud est caché dans l’Histoire, comme celui de son père Roger Thiraud dont le cadavre avait été découvert en marge de la manifestation du 17 octobre 1961, le crâne fracassé d’une balle. A l’époque Roger Thiraud effectuait des recherches sur les fonctionnaires français qui avaient servi avec zèle les nazis.

L’épigraphe « En oubliant le passé, on se condamne à le revivre » résonne très justement tout au long de ce roman noir historique.

Didier DAENINCKX – Meurtres pour mémoire . Première parution en 1984, Série noire des Éditions Gallimard . ISBN 9782070496204 . Réédité en format poche, Folio policier.

« Meurtres pour mémoire » a été récompensé en 1985 du Grand prix de littérature policière.

Présentation éditeur : Paris, octobre 1961 : à Richelieu-Drouot, la police s’oppose à des Algériens en colère. Thiraud, un petit prof d’histoire, a le tort de passer trop près de la manifestation qui fit des centaines de victimes. Cette mort ne serait jamais sortie de l’ombre si, vingt ans plus tard, un second Thiraud, le fils, ne s’était fait truffer de plomb, à Toulouse.

Didier DAENINCKX  -  Meurtres pour mémoire
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24 octobre 2024 4 24 /10 /octobre /2024 14:04
© JL Photos pour Éditions Agullo

© JL Photos pour Éditions Agullo

Frédéric PAULIN a été journaliste et professeur d'histoire et géographie. Ces deux professions ont sans doute influencé sa carrière d'écrivain : il écrit des romans noirs sur l'Histoire récente fouillée avec la rigueur et l'opiniâtreté d'un journaliste d'investigation.

Livres lus :

- Nul ennemi comme un frère ( Éditions Agullo - Août 2024 ) : voir  ICI

- Trilogie "Tedj Benlazar" : 

              * La guerre est une ruse ( Éditions Agullo - 2018 ) : voir ICI 

              * Prémices de la chute ( Agullo - 2019 ) : voir ICI 

              * La fabrique de la terreur ( Agullo - 2020 ) : voir ICI 

- Autres romans :

              * La nuit tombée sur nos âmes ( Agullo - 2021 ) : voir ICI 

 

Frédéric  PAULIN
Frédéric  PAULIN
Frédéric  PAULIN
Frédéric  PAULIN
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1 octobre 2024 2 01 /10 /octobre /2024 16:20
Pascal CHABAUD  -  La guerre et le crime

C’est la troisième enquête de Joseph Dumont, désormais commissaire à la Brigade régionale mobile de Police judiciaire de Clermont-Ferrand. Il participe au dispositif de sécurité du procès qui s’ouvre le 19 février 1942 à la Cour suprême de justice de Riom et grâce auquel le maréchal Pétain et le régime de Vichy souhaitent démontrer la culpabilité des personnalités politiques qu’ils accusent d’être responsables de la défaite de juin 1940. Léon Blum et Édouard Daladier font partie des accusés.

L’Histoire est un fil conducteur solide des romans de Pascal Chabaud, avec le procès de Riom il choisit de mettre en avant une parodie de justice, un peu oubliée peut-être parce qu’elle n’a abouti à rien. Le régime de Vichy avait pourtant souhaité donner un retentissement mondial à ce procès destiné à asseoir sa légitimité après avoir succédé à la IIIème République et tout en évitant de nuire à l’Allemagne nazie. Des journalistes du monde entier assistent à l’évènement. La censure de Vichy est particulièrement active. Dans ce contexte propice aux rivalités et complots politiques l’auteur imagine une fiction crédible : John McNee, journaliste anglais au Guardian, disparaît.

Cette disparition permet de mettre en avant les qualités de détective de Joseph Dumont aidé par le très efficace Nestor, unique représentant local d’une police scientifique à ses débuts. L’action est au rendez-vous, expéditions nocturnes et fusillades. Les personnages secondaires, fictifs ou réels, enrichissent le volet polar historique de ce roman efficace et  fertile en rebondissements. Les acteurs récurrents sont bien mis en scène, avec concision et suffisamment de précision pour les situer dans le scénario. Le lecteur n’a pas besoin d’avoir lu les deux premières enquêtes de Joseph Dumont pour apprécier pleinement ce troisième roman qui au fil des pages s’affirme de plus en plus comme un roman noir historique.

 Diego le frère du défunt mari de la sœur de Joseph fait une entrée en scène plausible et prétexte à développer un pan tragique de notre Histoire. Il a existé en France des camps de détention construits et administrés par des français et où dans des conditions concentrationnaires indignes et criminelles étaient regroupés des réfugiés espagnols ( hommes, femmes et enfants ) fuyant le franquisme. L’intrigue se déplace dans le Béarn au camp de Gurs qui après l’emprisonnement des réfugiés de la Retirada  a servi d’étape vers la déportation pour les camps d’Europe de l’Est.

Cet épisode des enquête de Joseph Dumont ( et de notre Histoire ) s’achève fin avril 1942, après quelques semaines riches en rappels ou révélations historiques et porté par un suspense policier efficace. Pascal Chabaud a également laissé de nombreux jalons pouvant servir de trame à une suite que j’attends avec impatience.

Pascal Chabaud – La guerre et le crime . Parution le 5 juin 2024, Éditions Christine Bonneton. ISBN 9-782384-871407 .

Présentation éditeur : Saint-Germain-des Fossés, Allier, février 1942. Le corps du journaliste britannique John McNee est retrouvé dans un wagon de marchandises à destination de l'Allemagne. Au même moment, deux journalistes de La Montagne qui font passer des informations à la BBC, interdite en France, sont séquestrés. Tous trois couvraient le procès de Riom, qui juge les « responsables de la défaite » de juin 1940. Procès sous haute tension, où le régime de Vichy joue sa survie, face à une Allemagne qui pousse au retour de Pierre Laval pour une « collaboration » plus efficace. Le commissaire Joseph Dumont, aidé de Nestor Bondu, responsable de la police scientifique de Clermont, plonge à nouveau dans les aspects les plus sombres de l'âme humaine, tandis que sa soeur Irène traverse la zone sud jusqu'au camp de Gurs, où elle apprend la vérité sur le père de son fils, républicain espagnol, et découvre les atrocités commises pendant la guerre d'Espagne.

Les enquêtes de Joseph Dumont,  tome 1 "Mort d'un sénateur" : voir ICI 

Les enquêtes de Joseph Dumont, tome 2 "Tuer Pétain" : voir ICI 

 

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16 septembre 2024 1 16 /09 /septembre /2024 15:10
Gildas GUYOT  -  Vindicte

Cette novella est publiée dans la collection FACTION des éditions In8. FACTION s’adresse prioritairement aux grands ados et jeunes adultes.

Une foule enragée qui ne réfléchit plus, qui ne juge qu’avec haine, fait face à la narratrice qui raconte la violence qu’on lui inflige. Il y a les coups mais aussi les insultes et l’humiliation. Elle a été tondue. C’est l’épuration sauvage qui a suivi la Libération de la France à la fin de la seconde Guerre mondiale.

La narratrice se souvient des moments passés avec Hannes, un allemand. Elle repense aussi à sa famille, à ses proches mais aussi à ceux qui l’ont trahie. Elle imagine une dernière lettre à son mari Bertille.

La narratrice se révolte contre Dieu et les Hommes. Elle s’interroge sur le crime dont on l’accuse. Face à elle il n’y a pas de Justice mais une foule qui ne veut pas comprendre et encore moins faire preuve de clémence. Elle est face à des gens ordinaires devenus bourreaux, une foule folle de rage et qui exige toujours plus de violence. Elle s’émerveille face à la beauté de la nature. Elle est forte et veut rester maîtresse de son destin.

Le récit de Gildas Guyot est violent pour mieux dénoncer les ravages de la colère des foules lorsqu’elles s’arrogent le droit de rendre la Justice. « Une justice expéditive, sans procès, sans juge, sans avocat, sans plaidoirie, sans preuve, sans circonstance atténuante. La justice des mâles basée sur des ouï-dire et sur le qu’en-dira-t-on ». Ces propos ne sont pas seulement réservés à la jeunesse, tout être humain doit se les approprier.

Vindicte – Gildas GUYOT . Parution le 15 mars 2024 , Éditions In8 , collection FACTION . ISBN 978-2-494730-14-4 .

Présentation éditeur  :  Ma robe est déchirée. Mes cheveux sont tondus. Tout à l’heure, on nous promènera à travers la ville. On nous crachera dessus. La France est libérée, mais la paix n’est pas pour tout le monde. C’est la vindicte qui est devenue populaire. Et jamais ils ne sauront que moi, Arsinoé Ouvrard, Hannes, je l’aimais.

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29 avril 2024 1 29 /04 /avril /2024 16:02
Gwenaël  BULTEAU - Le Grand Soir

Dans son deuxième roman Gwenaël Bulteau poursuit son récit historique du monde ouvrier alors que l’ère industrielle a imposé un capitalisme sans foi ni loi en France. Son premier roman « La République des faibles » ( voir ICI ) se passait en 1898 à Lyon. Dans « Le Grand Soir » il dessine un portrait beaucoup plus large de la condition ouvrière en France. Il approfondit également la situation des femmes. Nous sommes en 1905 et il raconte l’histoire de deux femmes.

Jeanne a disparu lors des manifestations populaires qui ont accompagné les obsèques de Louise Michel, héroïne de la Commune de Paris et pionnière du féminisme. Gwenaël Bulteau a choisi un grand symbole dans son prologue. Les obsèques de Louise Michel ont eu lieu le 22 janvier 1905 de Paris jusqu’au cimetière de Levallois-Perret.

Avril 1906, Lucie veut retrouver sa cousine Jeanne. Issue d’une riche famille industrielle, Jeanne avait rejoint les rangs des prolétaires en lutte. C’est donc dans le monde ouvrier que Lucie cherche sa cousine. Elle prend conscience de l’extrême pauvreté d’un peuple de crève-la-faim, de luttes et de la répression.

Toute la France prolétaire crie sa révolte et tente de s’organiser. La citoyenne Sorgue parcourt la France et se joint aux grèves pour aider. En ce mois d’avril 1906 elle est à Roquefort pour soutenir des centaines d’ouvrières. La création d’un syndicat a fait plier les Sociétés des caves de Roquefort. Sorgue est accompagnée par Leroy qui fait office de secrétaire et de garde du corps car elle se sait menacée de mort. Sorgue et son efficace mais énigmatique protecteur sont de toutes les luttes, avant Roquefort ils étaient à Courrières auprès des femmes des mineurs disparus dans la catastrophe pendant laquelle la Compagnie des mines avait privilégié les installations plutôt que sauver les hommes. Ils quittent Roquefort pour rejoindre Liévin et une nouvelle révolte minière.

Lucie et Sorgue, deux regards féminins pour décrire la condition ouvrière du début du XXème siècle et une pauvreté extrême, pour parler des luttes et des cris de révolte dans la rue. Il y a également une violence plus discrète, cachée derrière les riches façades des maisons bourgeoises, c’est celle du patriarcat et de la domination masculine sans partage.

Clémenceau veut en finir avec les grèves et les revendications. La Sûreté espionne et infiltre pour arrêter les meneuses et les meneurs. La répression sévit dés que la colère descend dans la rue. L’infanterie, les chasseurs à cheval, les dragons sont prêts à en découdre, à blesser, à estropier et même à tuer.

La quête de justice de Sorgue rejoint les recherches de Lucie. La convergence de ces luttes a lieu à Paris pour le 1er mai 1906, Le Grand Soir, date à laquelle est espérée la victoire du prolétariat. Gwenaël Bulteau excelle encore une fois avec un grand roman noir historique qui exprime toute la rage crue du prolétariat. Et dans un roman noir ça finit mal.

Gwenaël BULTEAU – Le Grand Soir . Parution octobre 2022, Édition la manufacture de livres . ISBN 978-2-3588-7913-2 . Réédition au format poche en octobre 2023, Éditions 10 / 18 Polar . ISBN 9782264081803 .

Présentation éditeur : 22 janvier 1905. Paris se presse à la suite du cortège funéraire de Louise Michel, icône légendaire de la Commune. Parmi les ouvriers, la jeune Jeanne Desroselles, travestie en femme du peuple, se mêle à la foule. Idéaliste et militante, cette jeune héritière fréquente depuis quelques mois les rassemblements publics, vibrant des revendications de ceux qui luttent pour la justice et la liberté. Mais ce matin d’hiver sera pour Jeanne le dernier. Aux yeux de la police comme de sa famille, Jeanne s’est volatilisée. Sa cousine Lucie n’entend pas se satisfaire de cette conclusion, et elle se glisse de tavernes en ruelles pour retrouver la trace de la disparue. Pendant ce temps, aux quatre coins de la France, les manifestations se multiplient, les femmes se rassemblent pour faire entendre leur droit à la parole et à disposer de leur corps, les mineurs et les ouvriers réclament un travail qui ne les condamne pas à mort... Tous s’apprêtent à venir massivement à Paris, manifester ensemble le 1er mai. Ce sera le Grand Soir.

Gwenaël  BULTEAU - Le Grand Soir
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