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Par mille et une histoires
Mars 1973.
Deux corps mitraillés à Marseille. Un armateur tué de dix balles de 11.43 à sa sortie d'un casino sur la Promenade des Anglais à Nice. Toutes les victimes avaient entretenu des liens avec le clan Guérini qui après le trafic de cigarettes d'après guerre avait contrôlé la filière de l'héroïne jusqu'à la fin des années 1960. La French Connection a ainsi amassé une fortune colossale. Puis la famille Guérini est tombée et la guerre de succession n'en finit pas, les exécutions succèdent aux exécutions.
L'armateur assassiné à Nice, Maxime Pieri, avait été un des meilleurs lieutenants d'Antoine Guérini avant de se reconvertir dans les affaires, à la tête de la Somar, une entreprise qui fait naviguer une dizaine de cargos. Dés son arrivée à Marseille, le jeune commissaire Théodore Daquin muté au SRPJ, brigade criminelle, Groupe de répression du banditime, à la tête d'une petite équipe de deux inspecteurs, Grimbert et Dumas, se voit confier l'affaire Pieri avec la consigne de ne pas faire de vagues dans le cadre de l'enquête de flagrance qui ne durera que quinze jours. Durant ces quinze jours, grâce à son opiniâtreté et sa perspicacité, Daquin et son groupe vont dénouer un écheveau aux ramifications internationales sur l'utilisation de l'argent de la French Connection pour se faire une place dans l'économie moderne devenue mondiale.
Avec Madame Dominique Manotti, la fiction rejoint la réalité, son portrait de Marseille est criant de vérité, en 1973 son économie est ruinée avec la fin des échanges coloniaux. Elle a du mal à tourner la page de la French Connection. La police est volontairement impuissante, écartelée entre le manque de moyens et les intérêts locaux. Le récit de l'auteur parle de Gaston Deferre, du SAC, du poids des clans corses Elle raconte la construction du port de Fos objet de toutes les espérances et convoitises, décortique la géopolitique du pétrole qui voit l'OPEP prendre la main sur le commerce de cette matière première, prémices d'une envolée des prix et promesse de bénéfices inouïs mais les sommes à investir sont colossales.
Ce récit est un habile travail d'investigations journalistiques et de recherches historiques. C'est aussi un polar passionnant avec des procédures bien décrites. On y croise le commissaire Van Loc. Il y a l'habile commissaire Daquin de la PJ ( à Marseille ce n'est pas au 36 mais à l'Évêché ) mais aussi les stups, la financière, les douanes dans une ambiance marseillaise bien reconstituée. Marseille est un personnage à part entière, c'est l'occasion de parcourir ses quartiers aux noms familiers, parfois rongés par la pauvreté. C'est aussi le Marseille des calanques à la beauté somptueuse. Marseille pièce d'un puzzle d'une rare complexité où se mêlent contrebande, traiding, blanchiment d'argent sale, paradis fiscaux, espionnage, relations internationales et politique. Une nouvelle criminalité voit le jour, elle fait fi des frontières à l'image des pipelines. Le pétrole n'a jamais si bien mérité son nom de "or noir".
Pas une minute de répit pour le lecteur qui est littéralement happé par un récit mené à cent à l'heure et qui l'amène pas seulement vers un dénouement mais aussi vers des révélations. Le style est sobre, pas de phrase inutile lorsqu'un mot seul peut décrire une situation. L'auteure est la narratrice, ponctuellement Daquin l'est aussi, moments de confidences presque de complicité avec le lecteur, brefs moments où la tension se relâche avant de mieux rebondir.
Dominique MANOTTI : Or noir. Parution le 5 mars 2015, collection série noire, Gallimard. ISBN 9782070148707.
Réédition en février 2017, collection Folio policier ( n° 819 ), Gallimard.
Je remercie l'auteure, livre lu grâce à sa générosité.
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