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13 décembre 2023 3 13 /12 /décembre /2023 17:32
Harald GILBERS  -  De sang et d'acier

C’est la sixième enquête du commissaire Oppenheimer ex-commissaire de la Kripo de Berlin. Il a survécu à la Seconde Guerre mondiale et depuis le quatrième titre il reprend progressivement du service alors que Berlin, de plus en plus divisé, peine à se reconstruire.

Juin 1948, un enfant découvre une jambe humaine sur les rives de la Sprée. Puis ce sont des viscères humains qui sont jetés depuis un pont. Oppenheimer en est persuadé, un tueur en série sévit à Berlin. A cette époque rien n’est simple dans la capitale allemande. Il y a bien sûr les souffrances et les privations subies par les habitants. Mais pour un commissaire de police, les divisions administratives de Berlin entravent plus son travail d’enquêteur que le manque de moyens. Harald Gilbers réussit parfaitement à dresser le portrait de cette ville au moment où les tensions entre les secteurs Est et Ouest atteignent un point de non-retour.

Les restes humains ont été découverts dans le secteur soviétique où le commissaire a son bureau au commissariat de Schöneberg. Il habite dans le secteur américain et sa femme Lisa travaille dans le secteur britannique. Ce point de départ est un choix habile de l’auteur et toutes les entraves administratives ( et qui vont aller grandissantes tout au long de son enquête ) subies par Oppenheimer constituent un moyen de décrypter l’Histoire berlinoise du second semestre de l’année 1948 qui est véritable tournant dans le XXème siècle. Fiction et Histoire sont mêlés dans un récit clair, facile à lire, plein de suspense et instructif.

Les crimes se multiplient, avec de nouveaux cadavres reconstitués dans d’horribles mises en scène et c’est bien le même criminel qui sévit, Oppenheimer et un médecin légiste très compétant en ont la preuve. Ils n’ont qu’une seule piste, celle d’une silhouette et un vague dessin comme portrait-robot. Alors qu’il faudrait consacrer plus de moyens humains à l’enquête, c’est le contraire qui se produit. Un conseiller antifasciste à la solde de Moscou veille et une épuration politique prive Oppenheimer de son adjoint. Pendant ce temps une réforme monétaire entre en vigueur le lundi 21 juin 1947 dans les secteurs occidentaux, le Deutschemark est la nouvelle monnaie, non utilisable à l’Est où l’Ostmark est en service. Oppenheimer est payé dans une monnaie avec laquelle il ne peut rien acheter dans le secteur où il vit. La tentation de tout abandonner est grande, il pense rejoindre sa sœur réfugiée en Uruguay. L’Ouest de Berlin se retrouve isolé au cœur de la zone d’occupation soviétique, privé de moyens de subsistance, victime d’un blocus avec la famine comme perspective car le marché noir ne peut suffire seul à nourrir la population prise en otage. Le dimanche 27 juin 1948 les alliés occidentaux entament un gigantesque pont aérien. Une succession sans fin d’avions de transport atterrissent aux aéroports de Tempelhof et Gatow ( Tegel en secteur français n’est pas encore opérationnel ), le dispositif est complété par des hydravions amerrissant sur le Grand Wannsee.

Et puis ce qui devait arriver se produit, Oppenheimer est suspendu, autant dire que son enquête est stoppée. Mais à défaut de rebâtir ses ruines, Berlin ouest se réorganise administrativement, une nouvelle police voit le jour le 28 juillet 1948 et Oppenheimer y trouve une place conforme à sa réputation au commissariat de la Friesenstraße. Le tueur en série qu’il poursuit sévit à l’Est mais aussi à l’Ouest et joue avec la police. Pour la nouvelle hiérarchie d’Oppenheimer, il est inenvisageable de collaborer avec la police de l’Est qui exclue aussi tout travail en commun. Le comble, les déplacements entre l’Est et l’Ouest sont devenus impossibles sous peine de finir dans les geôles soviétiques. Les premiers échanges de prisonniers ont lieu, dans un lieu discret, souvent au milieu d'un pont franchissant la frontière entre les deux Berlin.  

Oppenheimer n’abandonne pas la traque du tueur en série. Il fouille inlassablement faisant appel à son sens de la déduction et parfois à la chance. Il entre officieusement en contact avec l’aspirant inspecteur Negele qui a repris l’enquête sur le même tueur à L’Est. Les deux flics dans la plus complète illégalité vont collaborer pour tendre un piège et arrêter un criminel fou et mettre fin à un odieux trafic.

Harald Gilbers réussit un modèle de roman policier historique. L’époque est peu exploitée par le polar et se prête étonnamment bien à une enquête criminelle. L’Histoire et la fiction se complètent et s’enrichissent mutuellement pour donner un moment de lecture d’une rare intensité. C’est peut-être le meilleur Oppenheimer de la série !

Harald GILBERS  -  De sang et d’acier, titre original « LuftBrücke » Allemagne 2021, traduit de l’Allemand par Joël Falcoz, Éditions Calmann-Lévy Noir, 31 mai 2023. ISBN 978-2-7021-8540-7 .

Bibliographie d'Harald GILBERS : voir  ICI 

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