Le roi divers : c'est l'histoire de la septième croisade. Le roi Louis ( Louis IX - Saint Louis ) avait prononcé le voeu de se croiser en 1244 lors d'une violente dysenterie qui avait failli l'emporter. Les préparatifs furent longs et ce n'est que le 12 juin 1248 que le Roi quitte Saint-Denis. Il embarque à Aigues-Mortes mais l'ensemble de sa troupe mit de longs mois à le suivre. Le roi fait escale de l'été 1248 au printemps 1249 à Chypre. Enfin l'ost se rassemble à Damiette en Egypte durant l'été 1249.
Gaëlle Audéon a choisi de nous faire vivre cette croisade à travers les récits de plusieurs protagonistes, autant de visions, autant de ressentis qui confèrent à ce roman historique non seulement un charme et une richesse rares parce qu'il y est fait une place importante aux femmes mais aussi un souffle épique porté par le récit presque au jour le jour des opérations militaires.
La reine Marguerite est le regard féminin du récit. Elle a été obligée de tout abandonner y compris ses enfants confiées à sa belle mère qui assure la régence du royaume. Marguerite personnifie l'angoisse, les doutes, le désarroi, d'une mère et d'une épouse. Durant la croisade, elle est tenue à l'écart des évènements mais elle est consciente des pertes subies par l'ost, autant lors des combats qu'à cause des épidémies, des famines ou des tempêtes. Le 8 avril 1250 elle accouche d'un fils, Jean Tristan, à Damiette.
Avec Jean de Joinville jeune sénéchal du comté de Champagne, le lecteur est au coeur de la diplomatie, de la stratégie militaire, de la logistique et des combats. C'est principalement à travers son regard que le lecteur côtoie le Roi dont il est un proche. Joinville participe au Conseil de guerre, aux combats, chevauchées, assauts et replis. Les croisés sont tour-à-tour assiégeants et assiégés. Le Roi est retenu prisonnier après la bataille de Mansourah, de délicates négociations doivent s'engager et sont compliquées par les changements politiques à la tête du sultanat d'Egypte.
La richesse du récit de Gaëlle Audéon réside dans le fait que la croisade est vue et analysée du côté des croisés mais aussi du côté des musulmans. J'ai beaucoup appris sur ce monde complexe même si des notes de bas de pages ou un lexique en fin de roman auraient été utile et m'auraient évité des recherches ( au premier abord il n'est pas facile de définir Sarrasin, Turc, Mamelouk, Sultan, Émir ou Atabeg ... ). La liste des principaux protagonistes au début du roman est à ce titre précieuse mais j'ai regretté l'absence des personnalités musulmanes.
L'auteure met aussi en avant Alphonse de Poitiers, jeune frère du Roi et son épouse Jeanne. Alphonse et Jeanne participent à la croisade mais sont critiques vis-à-vis de cette expédition lointaine. Jeanne souffre d'être tenue à l'écart de son époux retenu auprès du Roi. Alphonse est tout aussi critique et exhorte son frère à revenir dans son royaume de France alors menacé par l'Angleterre. La décision du Roi est implacable, il reste en Terre Sainte, interdit à son jeune frère de se rendre en pèlerinage à Jérusalem et le renvoie en France. Cela permet au lecteur, grâce à Alphonse et Jeanne, d'avoir un aperçu du royaume sous la régence de Blanche de Castille, mère de Louis IX.
Après les combats malheureux d'Egypte, les croisés rejoignent la Syrie et la fabuleuse cité d'Acre durant l'été 1250. Le Roi va s'employer à restaurer les places fortes de Terre Sainte. Durant cette période et jusqu'en 1254 de fréquentes négociations auront lieu pour nouer des alliances, non seulement avec le monde musulman mais aussi avec les Tartares de l'est de la Volga. Avec l'appui de son fidèle Joinville, Louis IX se rend à Césarée, Jaffa et Sidon, à chaque fois pour de colossaux chantiers de fortification. Marguerite ne fut jamais associé à aucune décision même pour ce qui la concernait personnellement. En 1253 elle accoucha à Jaffa d'une fille prénommée Blanche.
Le 3 juillet 1254, après plus de dix semaines de traversée, le Roi, la reine, leurs enfants et leurs gens y compris Joinville, débarquent en Provence six ans après avoir quitté la France et sans que les croisés n'aient prié à Jérusalem.
Ce roman ( il faudrait absolument ajouter le qualificatif "historique" sur la couverture ) fourmille de détails et de personnages. Sa lecture m'a ravi. Sans aucun doute possible, le travail de Gaëlle Audéon repose sur des recherches nombreuses et solides. Une bibliographie et ses sources de renseignements permettraient de légitimer et de valoriser sa mise en scène. La lecture de ce récit est facilité par une chronologie précise et un espace géographique où il est facile de se repérer grâce à une carte figurant au début ( mais regret, l'Egypte n'y figure pas alors que l'essentiel des combats s'y déroule ). La couverture m'a beaucoup plu ( la mer et le sable ). J'ai mis un peu de temps à apprécier le titre "Le Roi divers". Divers est à prendre au sens de "qui présente plusieurs aspects". Avec cette définition tout s'éclaircit. Ce roman historique mérite de trouver un lectorat, les passionnés d'Histoire y trouveront de quoi assouvir leur passion.
Merci à Librinova