Dans l’édition italienne, ce roman porte le sous-titre « Il ritorno del commissario De Luca ». De Luca est de retour, Carlo Lucarelli nous a laissé sans nouvelles de son commissaire pendant presque vingt ans !
Décembre 1953, De Luca est de retour après avoir été mis sur la touche en 1948 ( voir ICI ). Une mission officieuse lui est confiée à Bologne par la Brigade criminelle de la Questure locale : élucider le meurtre de Stefania la jeune veuve du professeur Mario Cresca. Le cadavre a été découvert dans la garçonnière de son défunt mari. Un véritable bain de sang que De Luca saura décrypter comme il réussira à faire parler les voisins qui soit disant n’ont rien vu ni rien entendu. De Luca est resté un flic extraordinairement perspicace.
L’Italie n’en finit pas d’attribuer des titres, une tradition séculaire et cela fait sourire, De Luca a été en disgrâce, il n’est plus « dottore » et a été rétrogradé en « ingénieur ». Le mari de la victime était « professeur » mais ce titre n’avait pas de réelle valeur, Mario Cresca s’intéressait à la musique et il est mort dans un accident de voiture qui ne manque pas d’intriguer De Luca et son fidèle Pugliese qu’il retrouve affecté à la Police routière, une voie de garage.
Il plane un air de jazz sur ce roman. Orchestres, salles de spectacles, boîtes de nuit et belle chanteuse. Claudia, une envoutante métisse ( sa mère est originaire d’Abyssinie ) a appris à chanter en repiquant le riz, elle a été partisane, elle espère un contrat de chanteuse de jazz. De Luca a besoin de son aide dans une enquête où se mêle espions soviétiques et trafics de substances illicites.
A l’aube de l’année 1954, l’Italie change, à l’image de Giannino, le jeune inspecteur attaché aux basques de De Luca pour le surveiller, une tâche qui le dépasse et il finit par s’attacher à ce flic efficace et énigmatique. Giannino, c’est la jeunesse italienne, fils de bonne famille, insouciant, coiffé à la brillantine et décomplexé au volant de sa puissante Lancia Aurelia B20. Un visage de l’Italie bien différent de ses vieux démons avec une police gangrénée par des factions sans scrupules, un communisme très présent et que leurs opposants politiques mettent en travers de tout ce que l’Occident, les USA en tête, peuvent apporter à l’Italie. Désormais la Guerre froide divise le monde et l’Italie n’échappe pas à la règle. Cet état d’esprit se retrouve dans les extraits de presse cités par Carlo Lucarelli, habiles et instructifs liens entre l’Histoire et le polar.
Il n’y a pas de temps mort dans ce court roman, une constante de l’auteur pour cette série. De Luca est un flic hors norme, obsédé par la recherche de la vérité, quand il enquête plus rien ne compte, il ne mange plus, se nourrissant seulement d’un peu de café, même fatigué il dort peu, préférant étudier photos et dossiers. Tout à un sens, le scénario et les personnages, tout sert à dresser un portrait juste de l’Italie et pour illustrer l’héritage des années de fascisme. Le fascisme, l’auteur n’en parle presque pas, il n’est certainement pas oublié et ne peut pas avoir disparu comme par enchantement. Le sens de ce roman amène à s’interroger sur la vérité et le pardon et la limite à construire entre la vérité à oublier et celle à condamner.
Carlo LUCARELLI – Une affaire italienne . Titre original « Intrigo italiano » ( Italie - 2017 ). Traduit de l’italien par Serge Quadruppani pour les Éditions Métailié ( parution février 2021 ). ISBN 979-10-226-1101-5
Bibliographie de l'auteur ICI
commenter cet article …